Jurisprudence française : Le contrôle de proportionnalité du recours à la contention exercé par le juge

CAA de Nantes, 25 janvier 1995 ; CAA de Douai, 13 juin 2006 ; CAA de Marseille, 25 janvier 2007 et 21 mai 2015

 

– Le non recours à la contention peut en effet engager la responsabilité de l’établissement (CAA de NANTES, 25 janvier 1995 – cf. jurisprudence 1 ci-dessous). En cette espèce, le juge a indiqué :  » Considérant que la circonstance, alors que l’on n’avait pas utilisé des moyens de contention mécanique pour l’immobiliser, que M. Y… ait été placé dans un pavillon où se trouvaient seules trois infirmières que ne pouvaient le maîtriser ainsi que le retard mis à le secourir sont constitutifs d’un défaut dans l’organisation du service hospitalier de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray ».

 

– A contrario, les juges en appel ont pu opérer un contrôle de proportionnalité pour venir considérer que la contention n’était pas requise face à une situation, rejoignant l’avis de l’expert. L’argument du Centre hospitalier était le suivant : «  la contention est réservée aux personnes présentant un risque majeur d’atteinte à leur personne ou à celle des autres  ; (que) l’expert indique clairement sur ce point que la patiente, sans antécédents suicidaires, a été placée en observation clinique simple selon l’usage face à un comportement non agressif en partie apaisé par les traitements reçus  » – (CAA de DOUAI, 13 juin 2006 – cf. jurisprudence 2 ci-dessous).

 

– Par ailleurs, les juges en appel ont pu préciser que la contention doit être utilisée en dernier recours, après réflexion vis à vis d’une situation concrète, précisant en l’espèce :  » que la mesure de contention préconisée par la mère de la victime est réservée aux cas extrêmes et en dernier recours après échec de la parole, de la pharmacopée et enfin de la chambre d’isolement ; qu’au surplus, le physique du malade rendait difficile la réalisation de la contention «  –  (CAA de MARSEILLE – 25 janvier 2007 – jurisprudence 3). 

 

– Tel est le sens d’une récente jurisprudence où les juges en appel s’attachent à analyser la proportionnalité et nécessité du recours à l’isolement au regard de l’état de santé : « qu’au demeurant l’invocation de l’état d’agitation et du comportement du patient ne saurait, à elle seule, démontrer la justification médicale de la mesure, qui ne saurait se justifier qu’après qu’une réponse graduée, médicamenteuse, humaine, matérielle adaptée a été apportée à l’état du patient et ne saurait présenter un caractère punitif ou avoir seulement vocation à faciliter le travail de l’équipe soignante « . Les juges font références, aux « exigences qu’implique l’utilisation de l’isolement thérapeutique présenté comme un processus de soin complexe justifié par une situation clinique initiale et se prolongeant jusqu’à l’obtention d’un résultat clinique  » – CAA de MARSEILLE – 21 mai 2015).

 

– En police d’écriture bleue les passages ciblés sur la contention et l’isolement.

 

 

 

JURISPRUDENCE 1

1.                Références

Cour administrative d’appel de Nantes

 

N° 92NT00651    Mentionné dans les tables du recueil Lebon

2E CHAMBRE Mme Lackmann, présidentMme Lackmann, rapporteur

  1. Cadenat, commissaire du gouvernement

lecture du mercredi 25 janvier 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

2.                Texte intégral


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 août 1992, présentée pour Mme Y… demeurant …, par Me X…, avocat ; Mme Y… demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 87-9428 en date du 30 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray à l’indemniser en raison du préjudice qu’elle et ses enfants ont subi du fait du décès de M. Y… le 3 décembre 1986 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray à lui verser une indemnité de 100 000 F au titre de son préjudice moral, de 200 000 F au titre du préjudice moral de ses enfants, de 500 000 F au titre de son préjudice économique, ainsi qu’une indemnité au titre du préjudice matériel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 décembre 1994 :

– le rapport de Mme LACKMANN, président rapporteur,

– les observations de Me CHAUMETTE, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Maritime,

– et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que le 3 décembre 1986 vers vingt heures, M. Y…, admis le 1er décembre 1986 au centre hospitalier spécialisé (CHS) de Saint-Etienne du Rouvray pour troubles du sommeil et agressivité, a été retrouvé mort dans sa chambre, étouffé par son drap de lit, allongé devant la porte fermée ;

Sur la régularité des opérations d’expertise :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’expert nommé par un jugement avant dire droit du tribunal administratif de Rouen du 16 octobre 1990 s’est, lors de la réunion des parties au centre hospitalier, entretenu avec les membres du personnel de cet établissement hors de la présence du défendeur de la requérante ; qu’ainsi le caractère contradictoire de l’ensemble des opérations d’expertise n’a pas été respecté ; que, toutefois, cette irrégularité ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce que ce rapport d’expertise soit retenu à titre de pièce du dossier ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, lors de son admission, M. Y… était très agité et que cinq infirmiers ont été nécessaires pour le maîtriser ; qu’il a été isolé dans une chambre dont la porte était fermée en permanence et qu’il ne faisait l’objet d’une surveillance qu’à travers le carreau de la porte, les infirmières du pavillon ayant reçu la consigne de ne pénétrer dans sa chambre qu’avec le renfort d’infirmiers qui se trouvaient dans un autre pavillon ; que, de ce fait, les infirmières, après s’être aperçues que M. Y… gisait sur le sol de sa chambre, ont dû attendre près d’un quart d’heure l’arrivée de leurs collègues avant le pouvoir lui porter secours ;

Considérant que la circonstance, alors que l’on n’avait pas utilisé des moyens de contention mécanique pour l’immobiliser, que M. Y… ait été placé dans un pavillon où se trouvaient seules trois infirmières que ne pouvaient le maîtriser ainsi que le retard mis à le secourir sont constitutifs d’un défaut dans l’organisation du service hospitalier de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray ; que Mme Y… est par suite fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande et qu’il y a lieu d’annuler le jugement ;

Sur le préjudice de Mme Y… et de ses enfants :

En ce qui concerne le préjudice subi par Mme Y… :

Considérant, d’une part, qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Y… en raison du décès de son époux en condamnant le centre hospitalier à lui verser à ce titre une indemnité de 40 000 F ;

Considérant, d’autre part, que les revenus de M. Y… s’élevaient à 94 551 F en 1986 ; que la part de ces revenus destinée à Mme Y… doit être évaluée à 35 % soit 33 092,85 F ; qu’eu égard à son âge lors du décès de son mari le capital représentatif de cette rente s’élève à 459 527,21 F ; qu’il y a lieu, enfin, de déduire de ce capital le capital décès de 22 501 F versé par la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen à la requérante ; que le capital finalement dû à Mme Y…, au titre de son préjudice économique s’élève ainsi à 437 026,31 F ;

Considérant enfin que devant le tribunal administratif Mme Y… s’est bornée à demander la réparation de son préjudice matériel sans le chiffrer ; qu’elle demande à la cour la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray à lui verser à ce titre une indemnité de 43 003,52 F ; que ces conclusions sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’indemnité totale due à Mme Y… par le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray est de 477 026,31 F ;

En ce qui concerne le préjudice subi par Stéphanie et Guillaume Y… :

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les jeunes Stéphanie et Guillaume, respectivement âgés de cinq et trois ans lors du décès de leur père, en condamnant le centre hospitalier à leur verser une indemnité de 30 000 F chacun ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’indemnité totale due par le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray à Mme Y…, au nom de ses enfants mineurs, est de 60 000 F ;

En ce qui concerne les intérêts :

Considérant que les intérêts de l’indemnité totale afférente au préjudice économique sont dûs, non à compter du 3 décembre 1986 comme le demande Mme Y…, mais à compter du 20 mars 1987, date de sa demande préalable auprès du centre hospitalier ;

Sur le préjudice de la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen :

Considérant que la caisse primaire d’assurance Maladie de Rouen a droit au remboursement du capital décès qu’elle a dû verser à Mme Y… en raison du décès de son mari ; qu’il y a lieu de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray à lui verser une indemnité de 22 501,80 F ;

En ce qui concerne les intérêts :

Considérant que les intérêts de la somme de 22 501,80 F sont dûs à compter du 4 avril 1989, date d’enregistrement du mémoire en intervention de la caisse devant le tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l’allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu’aux termes de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Etienne du Rouvray à verser à Mme Y… une indemnité de 4 000 F en application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Article 1er – Le jugement n° 87-9428 en date du 30 juin 1992 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 – Le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray est condamné à verser à Mme Y…, tant en son nom propre qu’au nom de ses enfants mineurs, une indemnité globale de CINQ CENT TRENTE SEPT MILLE VINGT SIX Francs et TRENTE ET UN Centimes (537 026,31 F). La somme de QUATRE CENT TRENTE SEPT MILLE VINGT SIX Francs et TRENTE UN Centimes (437 026,31 F) portera intérêts à compter du 20 mars 1987.

Article 3 – Le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray est condamné à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen une indemnité de VINGT DEUX MILLE CINQ CENT UN Francs et QUATRE VINGT Centimes (22 501,80 F) avec intérêts à compter du 4 avril 1989.

Article 4 – Le centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray est condamné à verser à Mme Y… une indemnité de QUATRE MILLE Francs (4 000 F) en application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Article 5 – Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y… est rejeté.

Article 6 – Le présent arrêt sera notifié à Mme Y…, à la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen, au centre hospitalier de Saint-Etienne du Rouvray et au ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.

 

3.                Analyse

Abstrats : 60-02-01-01-01-01-06 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE – RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS – SERVICE PUBLIC DE SANTE – ETABLISSEMENTS PUBLICS D’HOSPITALISATION – RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER – EXISTENCE D’UNE FAUTE – DEFAUTS DE SURVEILLANCE -Hospitalisation d’un malade mental dans des conditions ne permettant pas de le secourir à temps.

 

Résumé : 60-02-01-01-01-01-06 Constitue une faute dans l’organisation du service public hospitalier le placement d’un malade agité dans un pavillon d’un centre hospitalier spécialisé auquel étaient seules affectées trois infirmières qui ne pouvaient le maîtriser et qui ont ainsi dû attendre l’arrivée d’infirmiers provenant d’autres pavillons avant de pouvoir, pour lui porter secours, pénétrer dans sa chambre où il a été retrouvé allongé devant la porte fermée, étouffé par son drap de lit.

 

 

 

 

JURISPRUDENCE 2

 

II.                Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre – formation à 3, du 13 juin 2006, 05DA01282, inédit au recueil Lebon

A.                Rejet

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Douai le

 

5 octobre 2005, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, représenté par son directeur, par Me Le Prado  ; le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS demande à la Cour  :

 

1°) d’annuler le jugement n° 9900622 en date du 26 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a, avant de statuer sur le montant de la somme qu’il sera condamné à verser à Mme Maryse X, décidé qu’il sera procédé une expertise aux fins de préciser le préjudice résultant pour celle-ci de sa défenestration survenue le 17 novembre 1998 et invité la caisse primaire d’assurance maladie de Paris et la Mutuelle centrale des finances à produire les pièces établissant le montant de leurs débours  ;

 

2°) de rejeter la demande de Mme X et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris  ;

 

Il soutient qu’il exposera dans un mémoire ampliatif que le jugement attaqué n’est pas suffisamment motivé  ; que c’est à tort que le Tribunal a considéré que la responsabilité du centre exposant était engagée, le seul fait que Mme X ait pu casser une fenêtre ne suffisant pas à révéler une inadaptation du système de sécurité  ; que le matériel était en bon état et que le bris de la fenêtre est dû à la seule violence de l’acte de la patiente  ; qu’en faisant application de la théorie de la présomption de faute, le Tribunal a commis une erreur de droit  ;

 

Vu le jugement attaqué  ;

 

Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 18 novembre 2005, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, concluant aux mêmes fins que la requête  ; le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS soutient  :

 

– que le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant application de la théorie de la présomption de faute, qui est limitée aux cas d’infections nosocomiales ou d’actes de soins courants entraînant des conséquences graves comme les vaccinations  ; qu’en l’espèce, alors que la responsabilité du centre hospitalier ne pouvait être engagée que pour faute, le Tribunal a jugé que le bris du châssis de la fenêtre révélait par lui-même une faute dans l’organisation du service  ;

 

– qu’aucun défaut d’organisation du service ne peut être retenu  ; qu’il ressort, en effet, du procès-verbal de constat d’huissier réalisé le 1er décembre 1998, que Mme X a fracturé une vitre en plexiglas de sécurité et que les parties boisées de la fenêtre étaient en bon état  ; que l’unique fait de pouvoir briser une vitre avec une chaise dans une crise de bouffée délirante ne saurait démontrer à lui seul une insuffisance du système de sécurité et donc une faute dans l’organisation du service hospitalier  ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2006, présenté pour la caisse primaire d’assurance maladie de Paris, dont le siège est sis 173 rue de Bercy à Paris (75586) cedex 12, par la SCP Carlier, Regnier  ; la caisse primaire d’assurance maladie de Paris demande à la Cour  :

 

1°) de rejeter la requête  ;

 

2°) de condamner le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS à lui verser la somme de

 

81 941,51 euros au titre des prestations qu’elle a exposées au profit de Mme X et, au fur et à mesure de leur engagement, les dépenses résultant de frais futurs d’un montant en capital de

 

16 113,59 euros, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la demande  ;

 

3°) de condamner le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS à lui verser la somme de

 

1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  ;

 

Elle soutient que les prestations qu’elle a d’ores et déjà servies à Mme X s’élèvent à la somme de 81 941,51 euros  ; qu’en outre, elle exposera au titre des frais futurs relatifs au remplacement du corset lombaire la somme capitalisée de 16 113,59 euros  ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2006, présenté pour Mme Maryse X, demeurant …, par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier  ; Mme X demande à la Cour  :

 

1°) de rejeter la requête du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS et de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la responsabilité de ce centre était engagée  ;

 

2°) par la voie de l’appel incident, d’annuler le jugement en ce qu’il a ordonné la désignation d’un nouvel expert et de condamner le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS à lui verser la somme de 58 288 euros au titre des préjudices soumis à recours résultant de ses incapacités temporaire totale, temporaire partielle et permanente partielle, la somme de 15 250 euros au titre du pretium doloris, la somme de 6 000 euros au titre du préjudice esthétique, la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 2 204,27 euros au titre de frais d’orthodontie, ou, à titre subsidiaire, la somme de 15 000 euros à titre de provision  ;

 

3°) de condamner le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS à lui verser la somme de

 

2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  ;

 

Elle soutient  :

 

– que le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS est responsable de sa défenestration dès lors, d’une part, que s’agissant d’un établissement spécialisé, les ouvertures donnant sur l’extérieur auraient du être sécurisées et que, d’autre part, l’exposante aurait dû faire l’objet d’une surveillance accrue  ; que si le centre hospitalier prétend pour la première fois en appel que les vitrages des fenêtres étaient composés de plexiglas, le constat d’huissier produit ne permet pas de s’assurer qu’il est bien relatif à la fenêtre brisée par l’exposante  ; qu’en tout état de cause, la fenêtre a pu être brisée aisément à l’aide d’une chaise par une personne de stature normale  ; que des barreaux ont été apposés depuis lors  ; que le jugement ne se fonde pas sur une présomption de responsabilité mais sur le constat du caractère insuffisamment sécurisé des locaux  ; qu’à ce défaut d’aménagement des locaux, s’ajoute, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, une faute de surveillance  ; qu’il résulte en effet de la fiche relative à l’exposante, que celle-ci était très perturbée et délirante  ; qu’elle aurait dû être consignée dans sa chambre avec un calmant  ; que le caractère subit de la crise ayant justifié l’hospitalisation aurait dû alerter le personnel  ; qu’en dépit de son état, elle n’a fait l’objet que d’un seul soin infirmier vers 13 h 30 et n’a plus été revue avant sa défenestration  ; que le jugement doit, dès lors, être infirmé en ce qu’il retient l’absence de défaut de surveillance et de soins  ;

 

– que c’est à tort, alors que le préjudice dont il est demandé réparation résulte d’une chute survenue il y a maintenant 7 ans, que les premiers juges ont refusé d’allouer une provision  ; que le préjudice résultant de sa chute est en effet indéniable dès lors que les médecins ont relevé diverses fractures ayant nécessité des soins lourds et longs, l’exposante ayant subi plusieurs interventions et une rééducation  ; qu’il ressort du rapport de l’expert que l’incapacité de travail qui s’en est suivie tient essentiellement aux conséquences de la chute  ; que, dans ces conditions, dès lors qu’elle a justifié de ses pertes de revenus, elle est fondée à solliciter l’infirmation du jugement ordonnant une nouvelle expertise aux fins d’évaluer la part de son préjudice résultant de la chute et à solliciter la liquidation de son préjudice à raison de la somme de 45 288 euros s’agissant des pertes de revenus et de la somme de 13 000 euros au titre de la part, soumise à recours, des conséquences de l’incapacité permanente partielle de 10 % dont elle reste atteinte  ; que son préjudice personnel est constitué d’un pretium doloris lui ouvrant droit à la somme de 15 250 euros, d’un préjudice esthétique lui ouvrant droit à la somme de 6 000 euros, d’un préjudice moral justifiant l’allocation de la somme de 8 000 euros et, enfin, de frais d’orthodontie d’une montant de 2 204,27 euros  ; qu’à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter à tout le moins l’allocation d’une provision de 15 000 euros  ;

 

Vu, enregistré le 16 février 2006, le mémoire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens  ; il soutient, en outre  :

 

– que le constat d’huissier correspond à la fenêtre que Mme X a brisée, comme l’établissent la date du constat et les photographies prises  ;

 

qu’aucun défaut de surveillance n’a été commis  ; que la contention est réservée aux personnes présentant un risque majeur d’atteinte à leur personne ou à celle des autres  ; que l’expert indique clairement sur ce point que la patiente, sans antécédents suicidaires, a été placée en observation clinique simple selon l’usage face à un comportement non agressif en partie apaisé par les traitements reçus  ;

 

– qu’à titre subsidiaire, le préjudice économique n’est pas justifié dès lors qu’il ressort du rapport d’examen psychiatrique que Mme X s’est trouvée en congé longue maladie jusqu’au 16 novembre 2000 percevant la totalité de son salaire à l’exception des primes  ; que celles-ci, qui sont liées à l’exercice effectif des fonctions, ne doivent pas être prises en compte pour l’évaluation de l’indemnité due en raison des pertes de rémunération  ; qu’en outre, eu égard à son état psychiatrique, Mme X aurait été en tout état de cause, obligée de s’arrêter de travailler  ; que le préjudice lié à l’incapacité permanente partielle de 10 %, le pretium doloris et le préjudice esthétique doivent être ramenés à de plus juste proportions  ; que le préjudice moral n’est pas établi  ;

 

– qu’enfin, les conclusions de la caisse primaire d’assurances maladie de Paris doivent être rejetées dès lors que la caisse n’établit pas que les débours dont elle sollicite le remboursement présentent un lien de causalité avec la prétendue faute de l’exposant et non avec l’état psychiatrique antérieur de Mme X  ;

 

Vu, enregistré le 24 avril 2006, le mémoire présenté pour la Mutuelle centrale des finances, dont le siège est sis 10 rue Auguste Blanqui à Montreuil-sous-Bois (92187) cedex, par Me Leroy  ;

 

La Mutuelle centrale des finances informe la Cour qu’elle a versé diverses sommes à

 

Mme X au titre de la garantie perte de rémunération  ;

 

Vu la lettre, en date du 25 avril 2006, par laquelle le président de la formation de jugement a, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties que l’arrêt à intervenir est susceptible d’être fondé un moyen soulevé d’office  ;

 

Vu, enregistré le 3 mai 2006, le mémoire présenté pour la Mutuelle centrale des finances  ; la Mutuelle centrale des finances confirme qu’elle ne forme aucune demande de condamnation  ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2006, présenté pour la caisse primaire d’assurance maladie de Paris  ; la caisse primaire d’assurance maladie de Paris ramène ses conclusions relatives aux débours exposés à la somme de 76 065,26 euros et maintient le surplus de ses conclusions  ;

 

Vu les autres pièces du dossier  ;

 

Vu le code de la santé publique  ;

 

Vu le code de la sécurité sociale  ;

 

Vu le code de justice administrative  ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

 

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller  :

 

– le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur  ;

 

– les observations de Me Lefranc, pour Mme X  ;

 

– et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement  ;

 

Sur l’appel principal du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS  :

 

Considérant que Mme X, qui a été adressée au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS par son médecin traitant au vu d’un épisode délirant subit le matin du

 

17 novembre 1998, a été hospitalisée dans l’unité de psychiatrie de ce centre vers 13 h 30  ; qu’elle y a été examinée par un médecin psychiatre qui a évoqué un tableau de bouffée délirante aiguë et prescrit un traitement tranquillisant  ; que vers 17 h 30, Mme X s’est jetée d’une chambre située au premier étage de l’établissement après avoir brisé la fenêtre  ;

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de la fiche d’observation de la patiente, que si durant l’après-midi qu’elle a passé au sein du service de psychiatrie, Mme X a présenté des périodes de calme et de somnolence, le personnel infirmier a relevé plusieurs épisodes au cours desquels elle est apparue très perturbée et très délirante et a mentionné qu’elle refusait tout contact avec autrui  ; que l’expert psychiatre désigné par ordonnance du 11 janvier 2000 du juge des référés du Tribunal administratif de Lille a également relevé, après avoir indiqué que les risques de raptus anxieux et notamment d’actes de suicide ne doivent pas être ignorés dans les cas de bouffée délirante et que le traitement doit associer surveillance étroite et médication adaptée, qu’en l’espèce, la composante anxiolytique du traitement était sans doute sous-estimée et qu’une surveillance horaire aurait permis de mieux évaluer le comportement de la patiente encore en phase aiguë et critique de sa bouffée délirante  ; que, dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent et à la nature de la pathologie pour laquelle Mme X était hospitalisée depuis quelques heures, la circonstance qu’elle ait été laissée sans surveillance particulière depuis des soins administrés à 13 h 30, et ait pu accéder, après avoir déambulé dans les couloirs du service, à une chambre dont la fenêtre n’était pas équipée d’un dispositif de nature à faire obstacle à une défenestration, est constitutive en l’espèce d’une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l’hôpital  ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille, qui a constaté et non présumé l’existence d’une faute, l’a déclaré responsable du préjudice subi par Mme X  ;

 

Sur les conclusions incidentes de Mme X  :

 

Considérant, d’une part, que dans son rapport, l’expert psychiatre précité relève que dans les cas les moins graves de bouffées délirantes aiguës, l’évolution est généralement favorable en quelques semaines  ; d’autre part, que dans son rapport définitif, l’expert désigné par ordonnance du juge des référés du 21 avril 1999 indique que certaines des séquelles présentées par Mme X, notamment sur les plans neurologique et psychologique, sont en relation avec un état neurologique antérieur à la défenestration  ; que, dans ces conditions, les préjudices dont Mme X demande réparation, et notamment les pertes de salaires résultant des périodes d’incapacité survenues à compter du 17 novembre 1998, ne sont pas tous imputables à la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS  ; que l’état de l’instruction ne permettant pas d’évaluer les préjudices imputables à ladite faute, Mme X n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement attaqué en tant que le Tribunal a prescrit une mesure d’expertise complémentaire sur ce point  ;

 

Considérant, en revanche, qu’il résulte des rapports d’expertise précités que les fractures de la mâchoire et d’une vertèbre survenues du fait de la défenestration ont occasionné à Mme X des préjudices certains justifiant que lui soit allouée une provision à valoir sur son préjudice définitif  ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS à verser à ce titre à Mme X la somme de 10 000 euros et de réformer sur ce point le jugement attaqué  ;

Sur conclusions présentées par la caisse primaire d’assurance maladie de Paris  :

 

Considérant que le présent arrêt confirmant le jugement du Tribunal administratif de Lille en tant qu’après avoir statué sur la responsabilité, il s’est limité à ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer l’étendue du préjudice indemnisable de la victime et se bornant à allouer à celle-ci une indemnité provisionnelle, les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris tendant à obtenir le remboursement des débours qu’elle a exposés sont prématurées et, par suite, irrecevables  ; qu’elle doivent, dès lors, être rejetées  ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  :

 

Considérant, en premier lieu, qu’il y a lieu, en application desdites dispositions, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens  ;

 

Considérant, en second lieu, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, la somme que demande la caisse primaire d’assurance maladie de Paris au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens  ;

 

DÉCIDE  :

 

Article 1er  : La requête du CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS est rejetée.

Article 2  : Le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS est condamné à verser à Mme Maryse X la somme de 10 000 euros à titre de provision.

Article 3  : Le CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS versera à Mme Maryse X la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4  : Le jugement n° 9900622 du 26 juillet 2005 du Tribunal administratif de Lille est reformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 5  : Le surplus des conclusions incidentes de Mme Maryse X est rejeté.

Article 6  : Les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris sont rejetées.

Article 7  : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER D’ARRAS, à

 

Mme Maryse X, à la caisse primaire d’assurance maladie de Paris et à la Mutuelle centrale des finances.

 


JURISPRUDENCE 3

 

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3ème chambre – formation à 3, 25/01/2007, 05MA01245, Inédit au recueil Lebon

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2005, présentée par Me Hollet pour

 

Mme Andrée X, élisant domicile … ; Mme X demande à la Cour :

 

1°) d’annuler le jugement n° 0203659 en date du 18 février 2005, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier d’Antibes et la société hospitalière d’assurances mutuelles à lui payer la somme de

 

76 224,51 euros en réparation du préjudice moral qu’elle a subi consécutivement au décès de son fils ;

 

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier de la Fontonne d’Antibes et la société hospitalière d’assurances mutuelles à lui verser la somme de 76 224,51 euros en réparation de son préjudice moral consécutif au décès de son fils ;

 

Elle soutient que le centre hospitalier a été dans l’incapacité de protéger son patient et a manqué au devoir de surveillance qui lui incombait en plaçant son fils en chambre d’isolement sans prendre les mesures pour l’entraver dans son propre intérêt ; qu’en effet, son fils qui souffrait de troubles respiratoires et était en outre atteint d’une importante psychose chronique, aurait dû faire l’objet d’une surveillance médicale rapprochée compte-tenu de son extrême fragilité ; que ses réactions étaient prévisibles du fait de son passé pathologique chargé et que le personnel a commis une faute en le plaçant dans une chambre d’isolement qui ne permettait pas d’intervenir immédiatement en cas de problème ; que la seule surveillance par télé-écran s’est révélée insuffisante et n’a pu empêcher le décès de son fils ; que face à un multi-récidiviste de la tentative de suicide, le placement en chambre d’isolement est inadapté et ce d’autant que celle-ci n’était pas sécurisée ; que seule une décision de contention aurait été de nature à empêcher toute nouvelle tentative de suicide sans que l’on puisse opposer le respect de la dignité ; que l’origine de la blessure reste indéterminée ; qu’eu égard la faute commise, elle est fondée à demander au centre hospitalier et à la SHAM la somme de 76 224,51 euros en réparation de son préjudice moral ;

 

Vu le jugement attaqué ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2005, présenté pour la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes par Me Borra ;

 

La caisse demande à la Cour de condamner le centre hospitalier d’Antibes à lui verser la somme de 8 419,67 euros en faisant valoir qu’elle a exposé des frais à hauteur de ce montant du fait de la faute commise par l’hôpital à l’origine du décès de son assuré, le fils de Mme X ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2006, présenté pour le centre hospitalier d’Antibes et la société hospitalière d’assurances mutuelles par Me Le Prado ;

 

Le centre hospitalier demande à la Cour de rejeter la requête de Mme X et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

 

Il soutient que les conclusions dirigées contre la SHAM ne peuvent être accueillies devant la juridiction administrative ; que la requête, qui n’expose aucune critique du jugement entrepris est irrecevable ; qu’aucune faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service psychiatrique ne saurait être relevée en l’espèce dès lors que la surveillance du patient ne s’est pas révélée insuffisante et qu’il a reçu tout au long de son séjour des soins adaptés à son état ; que la pathologie pulmonaire du patient constituait une contre-indication à la prescription de sédatifs ; qu’il a été placé en chambre d’isolement le 7 septembre 2000 en raison de troubles graves du comportement doublés d’une agressivité à l’égard du personnel soignant et que ce placement est indiqué pour les malades anxieux, agités, délirants et en danger d’actes auto-destructifs afin de les protéger contre eux-mêmes ; que ces locaux d’isolement possèdent une porte fermée de l’extérieur, des fenêtres sécurisées et sont dépourvues de mobilier hormis un lit scellé au sol ; qu’au cas d’espèce, la chambre était pourvue d’une caméra de surveillance et l’équipe médicale est intervenue rapidement pour secourir le patient à la suite de sa chute qui était imprévisible ; que la mesure de contention préconisée par la mère de la victime est réservée aux cas extrêmes et en dernier recours après échec de la parole, de la pharmacopée et enfin de la chambre d’isolement ; qu’au surplus, le physique du malade rendait difficile la réalisation de la contention ;

 

Vu la décision d’aide juridictionnelle en date du 14 avril 2005 ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code des assurances ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 décembre 2006,

 

– le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

 

– les observations de Me Ramadier substituant la SCP Cohen-Borra pour la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

 

– et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

 

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier et la société hospitalière d’assurances mutuelles tirée du défaut de critique du jugement :

 

Sur les conclusions dirigées contre la société hospitalière d’assurances mutuelles :

 

Considérant que l’action directe ouverte à la victime d’un accident par l’article L.121-12 du code des assurances contre l’assureur de l’auteur responsable du dommage est distincte de son action en responsabilité envers ce dernier ; que, si ces deux actions sont fondées l’une et l’autre sur le droit de la victime à la réparation du préjudice qu’elle a subi, l’action directe ne poursuit que l’obligation de l’assureur à cette réparation, laquelle est une obligation de droit privé ; qu’il s’ensuit qu’elle relève de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire ; que les conclusions que dirige Mme X contre la société hospitalière d’assurances mutuelles, assureur du centre hospitalier d’Antibes, doivent, dès lors, être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

 

Sur la responsabilité :

 

Considérant que le fils de Mme X, alors qu’il se trouvait placé en chambre d’isolement au centre hospitalier d’Antibes depuis le 7 septembre 2000, est tombé lourdement le 9 septembre suivant de manière vraisemblablement volontaire, en reculant vers la porte, le dos et la tête en premier contre le chambranle de la porte provoquant un hématome sous dural aigu à l’origine de son décès quatre jours plus tard ;

 

Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’expertise diligentée devant le tribunal administratif que le placement et le maintien du patient en chambre d’isolement était justifié compte-tenu, d’une part, de sa pathologie mentale associée à une pathologie pulmonaire chez un sujet obèse qui limitait fortement l’usage sans danger des psychotropes sédatifs et, d’autre part, de la nécessité de contenir son agressivité et sa violence potentielle tant envers les autres qu’envers lui-même ; qu’il résulte également de l’instruction que le fils de Mme X a reçu des soins adaptés à ses pathologies et qu’il a fait l’objet d’une surveillance attentive comme en témoignent les réactions rapides des personnels aux divers incidents qui émaillaient les journées à l’hôpital de ce malade agité et agressif ; que le fait qu’une chute volontaire entraînant le décès de son fils ait pu se produire dans la chambre d’isolement dépourvue de tout meuble hormis la présence d’un lit scellé au sol, ne suffit pas à établir qu’une faute ait été commise dans l’organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier nonobstant les gestes suicidaires précédents ; qu’il résulte enfin de l’instruction, qu’il était légitime de ne pas réaliser de contention physique, eu égard à la forte corpulence du malade et à la nécessité d’une sédation médicamenteuse ; qu’en tout état de cause, la contention physique des malades qui consiste à les maintenir alités membres supérieurs et inférieurs attachés par des sangles n’est utilisée, du fait de l’atteinte à la dignité du patient, qu’en dernier recours après que le personnel soignant ait d’abord usé des pouvoirs de la parole, de la pharmacopée à doses suffisantes et des chambres d’isolement ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, sans apporter le moindre élément d’ordre médical permettant de remettre en cause les conclusions expertales, aucune faute médicale ni aucune faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service ne peut être reprochée au centre hospitalier d’Antibes dans la prise en charge de son fils ;

 

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que ni Mme X ni la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes ne sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes ;

 

D E C I D E :

 

Article 1er : La requête de Mme X et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes sont rejetées.

 

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Andrée X, à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, au centre hospitalier d’Antibes, à la société hospitalière d’assurances mutuelles et au ministre de la santé et des solidarités.

 

Copie en sera adressée à Me Hollet, à Me Borra, à Me Le Prado et au préfet

 

des Alpes-Maritimes.

 

Délibéré après l’audience du 21 décembre 2006, à laquelle siégeaient :

 

– M. Darrieutort, président de chambre,

 

– M. Bédier, président assesseur,

 

– Mme Massé-Degois, premier conseiller,

 

Lu en audience publique, le 25 janvier 2007.

 

Le rapporteur,

 

 

signé

 

  1. MASSE-DEGOIS

 

Le président,

 

signé

 

 

  1. DARRIEUTORT

 

Le greffier,

 

 

signé

 

  1. CHAVET

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 

Pour expédition conforme,

 

Le greffier,

 

N° 0501245 2

 

 


JURISPRUDENCE 4

 

CAA de MARSEILLE

 

N° 13MA03115   

Inédit au recueil Lebon

2ème chambre – formation à 3

  1. VANHULLEBUS, président

Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur

Mme CHAMOT, rapporteur public

PERSICO, avocat


lecture du jeudi 21 mai 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

1.                Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

  1. A… D…a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins à lui verser la somme de 115 000 euros en réparation des préjudices résultant de son placement d’office ou à la demande de tiers dans cet établissement entre le 24 septembre 1994 et le 30 septembre 2004, avec intérêts et capitalisation.Par un jugement n° 1104829 du 16 juillet 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2013, et un mémoire en réplique, enregistré le 17 juillet 2014, M.D…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif du 16 juillet 2013 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense et en réplique, enregistrés le 6 juin et le 14 octobre 2014, le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins représenté par Me C…, conclut au rejet de la requête.

  1. D…a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 17 septembre 2013.

Vu : les autres pièces du dossier ;

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

– le code de la santé publique ;

– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de MmeE…,

– et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

  1. Considérant qu’entre 1994 et 2004, M. D…a fait l’objet de multiples hospitalisations sous contrainte au centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins ; qu’à l’occasion de ces séjours, il a été placé en chambre d’isolement ; qu’il relève appel du jugement du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet hôpital à réparer les préjudices résultant selon lui des modalités de sa prise en charge au sein de cet établissement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

  1. Considérant que le centre hospitalier soutient que les périodes du 11 août 1999 au 10 avril 2000 et du 21 août 2004 au 30 septembre 2004, au cours desquelles M. D…a été hospitalisé sous le régime de l’hospitalisation d’office, ne sauraient ouvrir droit à réparation devant le juge administratif au motif que seul le juge judiciaire serait compétent pour connaître de litiges ayant trait aux conséquences d’une mesure de placement d’office en hôpital psychiatrique ; que cependant, si l’autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles L. 333 et suivants, devenus L. 3212-1 et suivants du code de la santé publique, pour apprécier les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant une mesure de placement d’office, la régularité des décisions de placement n’est pas en cause dans le présent litige, qui a seulement trait aux conséquences dommageables des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’hospitalisation de l’appelant ; que l’exception d’incompétence invoquée par le centre hospitalier doit, par suite, être écartée ;

Sur les conditions de séjour en chambre d’isolement :

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :  » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants  » ; qu’aux termes de l’article L. 326-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, dont les dispositions ont été reprises à l’article L. 3211-3 du même code :  » Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions du chapitre III du présent titre, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée(…)  » ; qu’eu égard à la vulnérabilité des patients placés en chambre d’isolement et à leur situation d’entière dépendance vis à vis de l’administration hospitalière, il appartient à celle-ci de prendre les mesures propres à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les stipulations et dispositions susmentionnées ;
  2. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des pièces et écritures communiquées par le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins en première instance, que si M. D… a initialement été hospitalisé d’office au centre hospitalier Sainte-Marie de Nice le 11 août 1999, il a ensuite été transféré au centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins le 1er septembre 1999 ; qu’outre les séjours effectués dans le cadre d’une hospitalisation d’office mentionnés au point 2, au cours desquels il a été retenu en chambre d’isolement les 7 et 16 septembre 1999, 2, 3 et 4 novembre 1999 et 21 août 2004, M. D…a été hospitalisé sur demande d’un tiers du 24 septembre 1994 au 6 octobre 1994, du 28 avril 1995 au 17 mai 1995, du 1er décembre 1995 au 6 juin 1996, du 20 décembre 1996 au 5 mars 1997, du 7 août 1998 au 22 septembre 1998 ; qu’au cours de ces derniers séjours, il a été placé en chambre d’isolement, à tout le moins, les 24 septembre 1994, 4, 6, 11, 26 et 27 décembre 1995, 25, 26 et 30 décembre 1996 et le 8 août 1998 ; que les éléments versés aux débats et établis par le centre hospitalier ne permettent pas de déterminer la durée de chacune de ces périodes, alors que l’enregistrement de l’heure de début et de fin d’une mesure d’isolement sont des éléments essentiels que seul l’hôpital est en mesure de communiquer, un tel enregistrement reflétant d’ailleurs le souci de l’institution de ne prolonger la mesure qu’autant qu’elle s’avère nécessaire et de la reconsidérer régulièrement ; qu’il ne saurait par suite être déduit de l’absence d’information relative à la durée du placement en chambre d’isolement qu’elle a été très brève ; que si le centre hospitalier indique que la mesure n’a pas duré plus d’une journée ou d’une nuit, cette affirmation n’est pas corroborée par la production d’un document faisant apparaître les durées précises de chaque période d’isolement ; qu’au demeurant, il ressort des documents versés aux débats par l’hôpital qu’à au moins trois reprises, les dates au cours desquelles M. D…a été placé en isolement sont consécutives, de sorte qu’il ne saurait être exclu que son séjour ait excédé une journée ;
  3. Considérant que M. D…ne mettant pas en cause le bien-fondé des mesures de placement en isolement mais seulement les conditions dans lesquelles il était retenu en chambre d’isolement, l’argumentation de l’hôpital tirée de ce que ces mesures étaient fondées eu égard au profil de ce patient violent, agité et perturbateur est dénuée de pertinence ; qu’au demeurant l’invocation de l’état d’agitation et du comportement du patient ne saurait, à elle seule, démontrer la justification médicale de la mesure, qui ne saurait se justifier qu’après qu’une réponse graduée, médicamenteuse, humaine, matérielle adaptée a été apportée à l’état du patient et ne saurait présenter un caractère punitif ou avoir seulement vocation à faciliter le travail de l’équipe soignante ;
  4. Considérant que M. D…soutient que la chambre d’isolement dans laquelle il a été placé présentait un réel état d’insalubrité du fait notamment de conditions d’hygiène insuffisantes ; qu’il indique notamment que la chambre  » ne comportait pas de cabinet de toilettes ni de système d’aération  » et qu’il  » était contraint de faire ses besoins dans la chambre sur le sol  » ; qu’à l’appui de cette affirmation, il produit deux attestations d’amies de sa fille confirmant cette situation ; qu’il verse également aux débats un courrier qui lui a été adressé le 14 janvier 2011 par le directeur adjoint chargé de la clientèle de l’établissement et précisant :  » je vous confirme que jusqu’en 2006, les chambres d’isolement de ce service de psychiatrie ne disposaient pas d’un confort minimum, compatible avec l’état des patients y séjournant. Ce n’est qu’à compter de ce moment qu’elles ont été équipées d’un cabinet de toilettes, d’un lit avec matelas et d’une climatisation  » ;
  5. Considérant que si l’hôpital invoque le renouvellement de l’autorisation d’activité de psychiatrie qui a été délivrée le 24 avril 2007 par l’agence régionale de santé et le procès-verbal de la commission communale de sécurité du 14 septembre 2007 concernant le bâtiment psychiatrique, ces circonstances, postérieures aux faits de l’espèce, ne sont pas de nature à infirmer les énonciations factuelles étayées et corroborées par plusieurs pièces dont le contenu n’est pas contredit ; que s’il fait également valoir qu’il n’existe aucune norme spécifique relative aux chambres d’isolement, cette circonstance est sans influence sur l’obligation générale qui pèse sur les établissements de soins, et tout particulièrement sur ceux d’entre eux qui sont amenés à accueillir des patients fragilisés par des troubles mentaux, de respecter leur dignité et de veiller à ce que les modalités d’exécution des mesures de placement en chambre d’isolement ne les soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau de souffrance inhérent à toute mesure d’isolement non librement décidée ;
  6. Considérant que, compte tenu de l’état de santé de M.D…, fragilisé par des troubles mentaux ayant motivé son hospitalisation sans son consentement, du nombre des mesures de placement en isolement dont il a fait l’objet, de l’impossibilité, imputable à la carence du centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins, d’évaluer la durée précise de chaque mesure de placement, et des exigences qu’implique l’utilisation de l’isolement thérapeutique présenté comme un processus de soin complexe justifié par une situation clinique initiale et se prolongeant jusqu’à l’obtention d’un résultat clinique, il résulte de ce qui a été exposé aux points qui précèdent que les conditions de séjour de M. D…en chambre d’isolement doivent être regardées comme excédant le niveau de souffrance inhérent à une telle mesure et, dès lors, attentatoires à sa dignité ; que l’intéressé est, par suite, fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a jugé que l’hôpital n’avait pas contrevenu aux dispositions précitées des articles L. 326-3 et L. 3211-3 du code de la santé publique et aux stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de la nature des manquements constatés, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. D…pour avoir été exposé à ces manquements en évaluant sa réparation à la somme de 1 500 euros ;

Sur la prise en charge thérapeutique :

  1. Considérant, en premier lieu, que M. D…soutient, en invoquant les dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, qu’il n’a jamais été informé sur le suivi de son traitement et sur les soins qui lui ont été administrés ;
  2. Considérant que l’obligation d’information qui pèse sur les établissements de soins, et qui conditionne le consentement éclairé donné par le patient aux soins, doit s’appliquer dans des conditions particulières dans les hypothèses où le patient fait l’objet d’une mesure d’hospitalisation sans son consentement, ce dernier devant alors seulement être, dans la mesure où son état le permet, informé d’une manière appropriée à son état de la décision d’admission et de son éventuel renouvellement, de sa situation juridique et de ses droits ; que s’il était, dès l’époque des faits, souhaitable de recueillir l’avis de la personne hospitalisée sans son consentement sur les modalités des soins et de le prendre en considération dans toute la mesure du possible, cette obligation n’a été inscrite dans la loi que par l’article 1er de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 ; qu’en l’espèce M. D…se borne, de façon générale et sans précision, à indiquer qu’il n’aurait pas été informé des nombreux traitements qui lui ont été administrés ; que compte tenu de la longue période, d’une dizaine d’années, couverte par ce reproche et du peu de précision de l’argumentation de M. D…tant sur les manquements reprochés que sur la nature précise des dommages qu’il impute aux conséquences de ces manquements, la responsabilité de l’hôpital ne saurait être engagée sur ce fondement ;
  3. Considérant, en deuxième lieu, que M. D…indique également qu’il garde d’importantes séquelles des séjours effectués au sein de l’établissement intimé ; qu’il résulte toutefois des éléments versés aux débats que les séjours en cause ont été motivés par les troubles de comportement présentés par l’intéressé, qui se montrait violent envers son entourage familial, dans un contexte de polytoxicomanie ; que son état appelait une réponse adaptée, qui pouvait être médicamenteuse ; que si M. D…soutient, de façon assez imprécise, qu’il souffre toujours de tremblements importants ainsi que de problèmes cardiaques et pulmonaires, les pièces qu’il a versées aux débats ne permettent pas d’imputer ces troubles aux conséquences des nombreux séjours qu’il a effectués, en raison des graves problèmes de santé préexistants, au centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins ni, surtout, de considérer que des manquements fautifs auraient été commis dans les traitements qui lui ont été administrés alors ; que les conclusions de M. D…doivent, sur ce point, être également rejetées ;

Sur les intérêts :

  1. Considérant que M. D…a droit aux intérêts de la somme de 1 500 euros à compter du 25 mai 2011, jour de la réception par le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins de sa demande ;

Sur la capitalisation des intérêts

  1. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d’une année ; qu’en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 13 décembre 2011 ; qu’il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 mai 2012, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
  2. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. D… est, dans les limites exposées ci-dessus, fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique :  » (…) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu’il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l’Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. / Si l’avocat du bénéficiaire de l’aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat. S’il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat  » ;
  2. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, codifiées à l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même, que le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu’il a personnellement exposés, à l’exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle confiée à son avocat ; qu’il appartient au juge de condamner la partie qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, la somme correspondant à celle qu’il aurait réclamée à son client, si ce dernier n’avait eu l’aide juridictionnelle, le recouvrement de cette somme emportant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
  3. Considérant que M. D…a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que l’intéressé, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n’allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à MeB…, son avocate, d’une somme de 1 500 euros ; que conformément aux dispositions précitées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l’Etat ;

 

DÉCIDE :

 

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins versera à M. D…une somme de 1 500 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 25 mai 2011. Les intérêts seront capitalisés à compter du 25 mai 2012 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins versera à Me B…la somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Me B…renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D…est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… D…, au centre hospitalier d’Antibes Juan-les-Pins, à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes et à MeB….

N° 13MA03115

 

Valériane DUJARDIN – LASCAUX

Juriste, EPSM Lille Métropole