Isolement et Contention – Jurisprudences CA de VERSAILLES (24.10.2016 / 16.06.2017), pourvoi en cassation : vers une compétence nouvelle du JLD ? (16-06-2017)

La Cour d’appel de VERSAILLES vient récemment d’ordonner la mainlevée de la mesure privative de liberté notamment sur le fondement de la violation des dispositions légales régissant l’isolement et la contention.

 

Pour la deuxième fois (cf arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES en date du 24 octobre 2016 – mainlevée pour défaut de production de la décision d’un psychiatre d’isolement d’un patient), le JLD s’estime ainsi compétent pour apprécier la légalité d’une mesure d’isolement et de contention.

 

-> Lien pour accéder à l’arrêt : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2017-06-16_c.a._versailles_mainlevee_sdre_isolement_illegal.pdf

 

Le droit actuel ne prévoit pas l’intervention du juge judiciaire pour apprécier la régularité de la mise en œuvre de l’isolement et de la contention.

 

L’article L 213-8 du Code de l’organisation judiciaire dispose en effet que  » les compétences du JLD en matière non répressive sont fixées par des lois particulières ». La loi particulière relative aux soins psychiatriques est celle du 05 juillet 2011 fixant les missions du JLD, codifiées à l’article L.3216-1 du Code de la santé publique.

 

Le JLD opère un contrôle sur le bienfondé (contenu des certificats médicaux, caractère suffisamment circonstancié des certificats médicaux, justification du recours à une procédure d’exception (urgence ou péril imminent)) et la régularité (vérification de l’existence d’une décision d’admission en soins sans consentement prise le jour même de l’admission, vérification de la qualité du tiers demandeur, vérification de l’information de la famille dans les 24h suivant une admission en péril imminent, etc….) des décisions administratives de soins sans consentement.

 

 

Le Juge judiciaire doit ainsi apprécier la régularité d’une décision administrative de soins sans consentement prise en application de la loi du 05 juillet 2011, … et non en application de la loi du 26 janvier 2016 ayant fixé le cadre légal de l’isolement et de la contention !

 

 

Néanmoins, il s’estime compétent pour apprécier la légalité d’une mesure d’isolement et de contention sur le fondement de l’article 66 de la Constitution qui l’investit seul de l’autorité pour être garant des libertés individuelles.

 

Il a esquissé une définition de l’isolement et de la contention dans son arrêt du 24 octobre 2016 les considérant avant tout comme des mesures privatives de liberté. Ce qui pourrait fonder juridiquement sa compétence, et ce qui dénote une carence de la loi, contraire à la constitution, si l’on considère, toujours juridiquement, l’isolement et la contention comme des mesures de privatives de liberté.

 

Le juge judiciaire retrouve effectivement l’essence même de sa fonction étant le seul à pouvoir se prononcer sur la liberté d’aller et venir des personnes en matière pénale (mesures privatives de liberté telles la détention provisoire, le contrôle judiciaire), en matière administrative (rétention administrative des personnes en situation irrégulière sur le territoire français) et en matière de privation de liberté pour raison médicale depuis le 1er août 2011.

 

La Cour de cassation est invitée à examiner la question de la compétence du JLD dans le domaine de l’isolement et de la contention suite au pourvoi contre l’arrêt du 24 octobre 2016. Arrêt très attendu !

 

En outre, des patients pourraient initier une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) pour l’isolement et la contention en soutenant que la loi du 05 juillet 2011, sans prévoir un contrôle du juge judiciaire, seul gardien des libertés individuelles, sur l’isolement et la contention, est contraire à l’article 66 de la Constitution… !

Souvenons-nous que la loi de 1990 fut révisée, donnant naissance à celle du 05 juillet 2011 suite à une QPC d’une patiente. Cette dernière estimait que la loi de 1990, et notamment la procédure des soins à la demande d’un tiers; était contraire à la constitution puisque aucun contrôle du juge n’était prévu alors que l’article 66 de la constitution indique qu’une personne ne peut être privée de liberté sans contrôle judiciaire !

 

Rappelons enfin que le CRPA a présenté un recours contre l’instruction ministérielle du 29 mars 2017 en ce qu’elle ne prévoit pas, notamment, le contrôle par le juge judiciaire de l’isolement et de la contention. Voir encart ci-dessous.

 

Il est permis de penser que la sensibilité même du sujet de l’isolement et la contention conduira à une multiplication des contentieux soulevant l’irrégularité de la mesure, nous invitant à une vigilance particulière dans le scrupuleux respect des dispositions légales, s’agissant notamment de la motivation de la décision d’isoler et de contenir une personne devant être une décision de dernier recours.

 

Recours du CRPA

 

Le Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la Psychiatrie a présenté un recours gracieux au Ministère de la santé contre l’’instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d’isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisées en psychiatrie.

 

Le CRPA estime que la décision prise par un psychiatre d’isoler ou de contenir un patient doit être motivée, étant une décision restrictive de liberté, et juridiquement une « décision faisant grief ».

 

Devraient alors s’appliquer les dispositions légales relatives aux décisions faisant grief à savoir la motivation de la décision du psychiatre, d’une part, et l’application du principe du contradictoire, d’autre part. Le patient devrait se voir remettre une décision motivée, présentant par la même les droits et voies de recours dont il dispose dans le cadre d’un entretien au cours duquel il doit être mis à même de faire valoir ses observations.

 

Telles sont à ce jour les modalités de mise en œuvre de la loi 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques : dès lors qu’une personne est admise en soins sans consentement, elle se voit notifier la décision d’admission émanant du Directeur de l’établissement d’accueil ou du Préfet, décision qui doit être motivée (assise juridique posée par la loi du 11 juillet 1979 : motivation des décisions dites « défavorables » telle la restriction à la liberté d’aller et de venir). Elle doit être informée de sa situation juridique, de ses droits et voies de recours, et doit être mis à même de faire valoir ses observations en application de la loi du 12 avril 2000 (respect du principe du contradictoire).

 

En outre, le CRPA considère que les mesures d’isolement et de contention doivent être soumises au contrôle du Juge judiciaire qui est le gardien des libertés individuelles.

 

Le recours gracieux a été adressé le 09 mai 2017. A l’issue d’un délai de deux mois sans réponse, ou en cas de réponse négative, le CRPA pourra se pourvoir devant le Conseil d’État.

 

-> Lien pour accéder à la motivation du recours : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/2017-05-09-ajnng-Instruction-ministerielle-sur-l-isolement-contention-Recours-gracieux-du-CRPA

 

Valériane DUJARDIN – LASCAUX

Juriste, EPSM Lille Métropole