CGLPL – Rapport « L’intimité au risque de la privation de liberté » : recommandations et extraits relatifs à la santé mentale

Le rapport thématique sur «  L’intimité au risque de la privation de liberté«  du Contrôleur général des lieux de privation de liberté vient d’être mis en ligne sur le site du Contrôleur.

« Ce rapport s’appuie sur les constats réalisés lors des visites effectuées par le CGLPL et sur les courriers reçus de personnes privées de liberté, de proches, de professionnels ou d’intervenants. Il a vocation à mettre en lumière le caractère multidimensionnel des atteintes quotidiennes à l’intimité des personnes privées de liberté : la vie et les gestes sous la surveillance et le regard de tous, les fouilles, la contrainte, l’intériorité aliénée, les biens retirés, les soins sans confidentialité, les relations avec les proches entravées, la vie affective et sexuelle déniée. Au fil de l’analyse de ces atteintes, des recommandations sont formulées afin que le droit à l’intimité soit préservé dans les lieux de privation de liberté. » – Extrait de l’introduction, XVII.

Comme rappelé au sein de l’introduction, dans son premier rapport d’activité en 2008, le Contrôleur de l’époque, Monsieur Jean Marie DELARUE, avait relevé des atteintes à l’intimité, exercées au nom du contrôle de l’individu et de la sécurité :

« À chaque fois que l’autorité publique décide une mesure de privation de liberté, elle s’arroge aussi bien souvent le droit de contrôler la vie des personnes concernées, pour des raisons qui renvoient pour partie à des motifs de sécurité pour partie à des notions de responsabilité : la garantie du maintien de l’intégrité physique et psychique de celui qui est détenu ou retenu contre son gré. Les situations sont variables selon les lieux en cause, prisons, centres de rétention, hôpitaux, commissariats, dépôts des palais de justice… même si dans chaque endroit cependant, les habitudes, les consignes ou les instructions conduisent à négliger l’intimité comme droit, au profit du contrôle de l’individu en vue de son maintien dans la structure, par l’absence de fugue, d’évasion, d’agression, d’automutilation ou bien encore de suicide selon les cas. La recherche de sécurité prévaut sur la préservation de la personnalité. […] Dans ce domaine comme dans d’autres, c’est de la confrontation de logiques institutionnelles opposées que naissent les difficultés. » – CGLPL, Rapport d’activité 2008, pp. 73-86

=> Lien pour accéder au site du CGLPL : https://www.cglpl.fr/2022/lintimite-au-risque-de-la-privation-de-liberte/ 


Présentation des 26 recommandations émises avec les extraits du rapport concernant les établissements de santé mentale

Recommandation 1 – Les lieux d’enfermement doivent être bâtis, aménagés et entretenus de manière à préserver l’intimité des personnes qui y sont enfermées, tant vis-à-vis du personnel que des autres personnes privées de liberté

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale :

« Dans les établissements de santé mentale, la porte des chambres comporte encore trop souvent une imposte vitrée. Le CGLPL l’a dénoncé notamment à l’issue de sa visite du centre hospitalier (CH) du Rouvray où « sauf rares exceptions, les portes des chambres sont percées d’un large fenestron portant atteinte à l’intimité des patients » 1 mais aussi après celle de l’établissement public de santé mentale (EPSM) Etienne Gourmelen à Quimper où il y a « la présence d’un oculus sur quatre des portes de chambres dans le fond du service, où le responsable souhaitait créer une zone réservée aux personnes en soins sans consentement équipée d’une porte aux fins de surveillance et de fermeture de ces dernières. Le projet a été abandonné mais les oculi demeurent. Du couloir, on peut voir aisément une partie de la chambre réduisant l’intimité de ses occupants » 2 . Au centre hospitalier spécialisé (CHS) de Sarreguemines, « Les chambres de l’USIP [unité de soins intensifs en psychiatrie] présentent des particularités portant atteinte au respect de la dignité des patients : elles sont visibles depuis le couloir au travers d’un fenestron équipant toutes les portes […] et au travers d’une vitre donnant directement sur l’espace sanitaire » 3 .

  1. CGLPL, Recommandations en urgence du 29 octobre 2019 relatives au CHS du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), JORF du 26 novembre 2019
  2. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Sarreguemines, mars 2020.

Recommandation 2 – Les lieux de privation de liberté doivent garantir un hébergement individuel. Il ne peut y être dérogé que si les personnes concernées en expriment le souhait et que celui-ci paraît conforme à leur intérêt et à leur situation

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Les chambres sont toujours trop rarement individuelles dans les établissements de santé mentale, comme au CHS La Candélie : « Les unités d’hospitalisation sont toutes principalement constituées de chambres doubles ; [quatre unités] ont neuf chambres doubles pour deux chambres individuelles ; [l’une] dispose de huit chambres doubles pour trois individuelles. [Trois autres] ont cinq et six chambres doubles et sept à huit chambres individuelles. […] Les chambres à deux lits ne contiennent jamais de paravent ou séparation permettant l’intimité des personnes ».

CGLPL, Rapport de visite du CHS La Candélie à Pont-du-Casse, juillet 2019.

Recommandation 3 – Le nombre de personnes hébergées au sein d’un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le nombre de celles qu’il peut accueillir dans le respect de leur dignité et de leur intimité. Le recours à un couchage de fortune doit être prohibé

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Le droit à l’intimité des patients souffrant de troubles mentaux se heurte à la même difficulté, mise en exergue lors de visites de services d’urgence, comme celui du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne : « Un à deux lits surnuméraires ont été ajoutés dans chaque unité et une salle dite « de flux » a été créée en 2014 au sein de l’unité des urgences psychiatriques pour y offrir quatre places supplémentaires » 1. Cela est parfois aussi constaté dans des services d’hospitalisation : « La majorité des patients est hospitalisée dans une chambre double ou triple. La suroccupation des unités (101,3 % en moyenne en 2018, 107,7 % le 3 octobre 2019) oblige à l’installation de lits supplémentaires ou de lits dits d’urgence, par ajout d’un lit de camp dans une chambre simple ou double (conduisant jusqu’à son triplement). Il n’est pas rare qu’un lit soit installé dans un bureau ou dans le salon de visites des familles, ou qu’un patient soit maintenu en chambre d’isolement. Les conditions de vie sont particulièrement dégradées par la promiscuité, dans la chambre ou dans l’unité » 2.

  1. CGLPL, Recommandations en urgence du 1er février 2018 relatives au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne (Loire), JORF, 1er mars 2018.
  2. CGLPL, Recommandations en urgence du 29 octobre 2019 relatives au centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), JORF du 26 novembre 2019.

Recommandation 4 – Le respect de l’intimité interdit de recourir à des mesures de surveillance permanentes, notamment à l’usage constant de la vidéosurveillance dans les cellules, chambres et locaux sanitaires. Dans tous les cas, il ne peut pas être recouru à des dispositifs d’écoute

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale :

 » L’univers psychiatrique a parfois la même pratique intrusive. Au sein de la clinique San Ornello trente-deux caméras de surveillance couvrent les parties communes (couloirs, réfectoire, etc.) et les chambres d’isolement. « Le poste de contrôle de vidéosurveillance est installé dans la pièce située à l’extrémité du couloir du secteur fermé, pièce qui constitue le bureau de l’agent de sécurité. Les images des caméras sont diffusées sur un moniteur accroché au mur en hauteur et incliné vers le bas. Des patients sont fréquemment présents dans cette pièce, […] venant discuter avec le personnel de jour comme de nuit et la porte de cette pièce est ouverte en permanence ; la confidentialité des images n’est donc en rien garantie ni celle de l’implantation du dispositif avec les angles de vision » 1 . Au centre de santé mentale Jean-Baptiste Pussin à Lens, « [l’]intimité et la confidentialité « des soins au patient isolé » ne sont pas respectées puisqu’il est exposé à la vue de tous par […] des écrans des caméras de surveillance situés dans le poste infirmier et visibles depuis le couloir. Les contrôleurs ont également constaté une fois la présence dans le poste d’une patiente installée devant les écrans de contrôle ». Les patients soumis à ces pratiques maltraitantes sont exposés à la vue de tous les autres patients, mineurs inclus » 2. Au CHS Sainte-Marie de Nice, plusieurs dizaines de caméras sont installées dehors et dedans, et « juste avant [l’arrivée des contrôleurs], des caméras ont été éteintes à l’intérieur des unités » ; « toutes les chambres d’isolement, dans toutes les unités, sont équipées d’une ou de deux caméras de vidéosurveillance allumées en permanence et dont les images sont reportées sur un moniteur installé dans le bureau des soignants. Aucun carré noir ne protège la vue sur les WC des chambres d’isolement de l’USIP » 3. L’occultation par un carré noir ou un floutage est d’ailleurs souvent imparfaite et ne préserve pas l’intimité, comme dans les chambres d’isolement des CHS du Rouvray, de Bourges, ou encore de Montfavet : « Dans l’unité 12/17, l’occultation résulte de l’initiative du personnel soignant, qui a collé des morceaux de papier sur l’écran ; si on sélectionne différemment les caméras, il faut bouger les papiers » 4 . (…).

« Au CHS La Candélie, des micros sont installés dans certaines 15 chambres. Faute de boutons d’appel, ce dispositif permettrait aux patients d’appeler à l’aide si besoin, notamment la nuit, mais ils permettent aussi aux soignants d’écouter les patients. Le rapport de visite indique : « Certaines pratiques dénoncées sont maintenues et revendiquées par l’établissement, comme les micros permettant l’écoute de patients ».5

  1. CGLPL, Rapport de visite de la clinique San Ornello, Borgo, juillet 2020.
  2. CGLPL, Recommandations en urgence du 1er février 2022 relatives au centre de santé mentale Jean-Baptiste Pussin à Lens, JORF, 1er mars 2022.
  3. CGLPL, Rapport de la 3e visite du CH Sainte Marie de Nice, février 2021.
  4. CGLPL, Rapport de visite du CH de Montfavet, novembre 2019.
  5. CGLPL, Rapport de visite du CHS La Candélie à Pont-du-Casse, juillet 2019.

Recommandation 5 – La préservation de l’intimité dans les lieux de privation de liberté suppose que les personnes qui y sont accueillies aient en permanence la maîtrise de l’éclairage naturel et artificiel du local dans lequel elles habitent ou travaillent

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« En psychiatrie, l’interrupteur des chambres d’isolement, ainsi que le bouton de commande des stores occultants (quand ceux-ci existent) sont systématiquement placés à l’extérieur des chambres, privant la personne qui y est placée de la maîtrise de la luminosité. Ce sont parfois les chambres hôtelières elles-mêmes qui n’ont pas accès à la lumière du jour. Au CHS Gérard Marchant à Toulouse, celles-ci « n’ont que des ouvertures de second jour donnant sur le couloir qui les relient à la partie ouverte de l’unité. La nécessité de protéger l’intimité du patient de la vue depuis ce couloir a conduit à l’installation de films de protection ressemblant à un miroir sans tain sur les fenêtres. Dès lors l’intimité du patient n’est protégée que si la lumière intérieure de la chambre est éteinte et, en ce cas, l’effet obscurcissant du film est tel que le patient doit vivre dans la pénombre ».

CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.

Recommandation 6 – Le recours aux moyens de contrôle des personnes et des biens doit toujours être nécessaire et proportionné. Aucune fouille à nu ne peut être réalisée sans un fondement légal explicite qui doit être interprété de manière restrictive

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Dans les établissements de santé mentale, le contrôle des effets personnels lors de l’accueil dans une unité ou encore la mise obligatoire du patient en pyjama ou en tenue uniforme – ce qui est constaté de manière systématique dans certaines unités d’admission, et généralisée lors d’un placement en chambre d’isolement – s’assimile à une fouille qui ne dit pas son nom. Ainsi, au CHS Gérard Marchant à Toulouse, « selon le règlement intérieur, toute personne admise dans l’établissement est invitée, lors de son entrée, à effectuer le dépôt des objets, biens, valeurs dont la détention n’est pas justifiée durant son séjour dans l’établissement. […] les personnes ne sont pas seulement invitées mais souvent obligées à se défaire d’un certain nombre d’objets ».

CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.

Recommandation 7 – Les locaux dans lesquels se réalisent des fouilles doivent être conçus, aménagés et entretenus de manière à préserver l’intimité des personnes qui y sont soumises

Recommandation 8 – Les fouilles, par nature attentatoires à l’intimité, ne doivent donner lieu à aucune pratique additionnelle humiliante

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

 » Dans les établissements de psychiatrie, la question de la préservation de l’intimité est posée à chaque fois que plusieurs soignants restent dans la chambre d’isolement pendant que le patient en souffrance est aidé à revêtir un pyjama, même s’il a déjà été répondu au CGLPL que « les soignants sont habilités à côtoyer la nudité d’un patient ». Cette atteinte à l’intimité est majorée lorsque des agents de sécurité se maintiennent dans la même pièce. Il convient de retenir que ces regards, même si ce sont ceux de professionnels, violent l’intimité. (…).

Il convient également de rapporter le sentiment d’atteinte à leur intimité que rapportent les patients de psychiatrie quand ils sont nus devant des soignants de l’autre sexe, dans le cas de placements en chambre d’isolement. »

CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.

Recommandation 9 – Toute mesure de contrôle des visiteurs doit être fondée légalement et se limiter aux contraintes strictement nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi afin de respecter l’intimité et la dignité humaine

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Les hôpitaux appliquent aussi des mesures de contrôle des visiteurs : pour rendre visite à un patient pris en charge dans une unité de soins intensifs de psychiatrie (USIP), les familles doivent se soumettre à des contrôles, comme à Sarreguemines où « à leur arrivée, les visiteurs doivent déposer dans un coffre situé dans le local de la porterie du pôle dangerosité, commun à l’USIP et à l’UMD [unité pour malades difficiles], leurs effets personnels. Le document remis aux familles indique cependant que seuls les objets interdits dans l’unité, limitativement énumérés, doivent être laissés à l’entrée du pôle ; les visiteurs sont soumis à un détecteur manuel de masse métallique » 2 . À Ajaccio, « les visiteurs sont invités à se défaire de leurs effets personnels auprès des infirmiers pendant la durée de la visite. Ils doivent passer sous le portique de détection des masses métalliques. La pratique n’est pas clairement établie, certains agents ne soumettant au portique que les visiteurs des personnes détenues hospitalisées en vertu de l’article D. 398 du code de procédure pénale. Le règlement intérieur prévoit la fouille des vêtements de tous les patients ayant reçu une visite de l’extérieur » 2 . Au CHU de Nîmes, « les visiteurs accèdent à [l’USIP] après s’être présentés par interphone et se voient contraints de passer sous un portique détecteur de métaux, sous la surveillance d’un soignant, après s’être défaits de tous leurs objets, sacs à main et manteaux, qu’ils doivent laisser dans un casier à l’extérieur de l’unité. Lorsque le portique sonne, un soignant utilise un détecteur manuel de métaux pour lever tout soupçon sur la possession d’objets interdits. […] L’utilisation de ce dispositif de sécurité illustre l’orientation sécuritaire de l’USIP. L’allégation de la dangerosité potentielle des visiteurs pour établir ces mesures à l’USIP, en raison d’un incident grave survenu plusieurs années auparavant, ne peut justifier des mesures aussi intrusives à l’égard de visiteurs. La mise en œuvre de l’ensemble de ces procédures par des soignants, peut susciter une confusion, dans l’esprit tant des visiteurs que des patients, sur la mission de soin, et non de sécurité, qui leur incombe » 3

  1. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Sarreguemines, mars 2020.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Castellucio à Ajaccio, avril 2017.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.

Recommandation 10 – Le recours à la contrainte physique, quelle qu’en soit la forme, entraîne par nature le risque de violences sur les personnes qui y sont soumises. L’équilibre entre la sécurité et le respect de l’intimité des personnes privées de liberté doit toujours être maintenu, ce qui exclut tout recours systématique à la force ou aux moyens de contrainte. Ces pratiques ne doivent intervenir qu’en dernier recours, après épuisement des autres moyens de faire face aux comportements de transgression

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale :
« Dans le même esprit, le pyjama imposé en permanence à certains patients dans des établissements de santé mentale s’analyse comme un moyen de contrainte dès lors qu’il a vocation à contenir les patients entre les murs, à éviter le risque de fugue, et ce même si ce n’est pas l’acception première de l’expression « moyens de contrainte ». Le pyjama est le fruit de l’histoire asilaire de la prise en charge hospitalière ; il s’apparente à l’uniforme du fou, qui, s’il venait à s’échapper, serait visible et pourrait être rattrapé. L’utilisation de la contrainte à l’hôpital doit être considérée avec d’autant plus d’attention que le CGLPL relève toujours et presque partout l’usage de l’expression « soins sous contrainte » en lieu et place de la dénomination « soins sans consentement ». Une telle mésappellation laisse craindre une banalisation de l’usage de la force et des moyens de contrainte et la multiplication des atteintes à l’intimité. L’usage de la force revêt lui aussi des réalités et des dénominations différentes selon les lieux dans lesquels il s’exerce : intervention, maîtrise, enveloppement, contention physique, etc. Leur point commun est le contact physique entre un ou plusieurs agents de l’État et la personne privée de liberté, dans l’objectif de la soumettre et de l’empêcher d’agir comme elle le souhaite. (…).

Le personnel hospitalier recourt à des liens dits de contention à cinq points (deux bras, deux chevilles, ventre) et a priori seulement à des techniques contenantes d’accompagnement ou d’enveloppement, même si le recours à des techniques d’intervention issues des arts martiaux est parfois constaté, motivé par le souci de ne blesser ni les soignants ni les patients, tel que décrit à la suite de la visite d’un service du CH du Vinatier : « ce service a développé des méthodes de maîtrise des personnes violentes évitant de les blesser à travers une adaptation du Krav-Maga opérationnel, méthode d’autodéfense combinant des techniques provenant de différents sports de lutte » 1 . Comme expliqué dans un rapport du CGLPL, « beaucoup d’importance est donnée à la formation OMEGA [au terme de laquelle] « le participant sera en mesure d’identifier les personnes à risque présentes dans son milieu de travail, de choisir et de prendre les dispositions de protection physique appropriées à la situation, de sélectionner et d’appliquer le mode d’intervention verbale ou psychologique le plus approprié à l’agressivité exprimée, de communiquer efficacement avec ses collègues dans un objectif de résolution de crise d’agressivité et, si nécessaire, d’appliquer des techniques simples d’esquive et d’immobilisation » » 2 . (…).

Ce rapport de soumission s’illustre également par le port d’une tenue distincte dès lors qu’elle se justifie par la prévention du risque de fugue ou la lutte contre la consommation de produits stupéfiants, comme l’est le pyjama dans les établissements de santé mentale, souvent accentué par l’absence de sous-vêtements et de chaussures. Cela a été décrit à Toulouse : « […] le port du pyjama paraît plus fréquent dans les unités Verlaine et Nerval, […] parfois même à titre de sanction en réponse à une faute de discipline (comme la possession de produits stupéfiants). De plus, dans ces deux dernières unités, les patients doivent alors porter des chaussons en feutre léger, y compris pour sortir dans le jardin » 3 . Cette tenue minimaliste, destinée à entraver la liberté d’aller et de venir, est par certains aspects assimilable aux menottes ou aux entraves dans d’autres lieux et « le CGLPL s’interroge sur la motivation réelle de cette pratique : elle semble davantage être une survivance d’habitudes anciennes à laquelle les personnels de santé tentent de trouver une justification quand ils ne l’utilisent pas pour sanctionner les patients « indisciplinés » comme le CGLPL l’a parfois constaté » . Le CGLPL a également dénoncé : « les motifs de l’isolement ou de la contention comme leurs modalités de mise en œuvre peuvent enfin être abusivement infantilisants » 4 . (…).

« Le fait que certains patients soient maintenus attachés sur leur lit sans système d’appel peut les mettre dans une situation où ils n’ont parfois pas d’autre possibilité que de faire leurs besoins naturels sur eux ; cette situation qui leur est imposée est souvent vécue comme très humiliante » 5 . (…).

« En psychiatrie, la personne doit entièrement se soumettre aux professionnels présents alors que certains patients en crise tolèrent mal la présence de soignants de sexe différent du leur pour les assister dans leurs gestes d’hygiène. Les stratégies individuelles pour préserver son intimité, soit en étant autonome soit en évitant les soignants de l’autre sexe, ne peuvent avoir libre cours. Le CGLPL conteste d’autant plus cette relation de dépendance lorsque « pour aider à assurer la mise à l’isolement ou en contention des patients, ainsi que pour la prise des repas et la toilette des malades placés à l’isolement, les personnels soignants font parfois appel aux agents de sécurité. Cette pratique est contraire aux règles déontologiques des personnels concernés et met à mal l’intimité des patients » 6 . De même, une sédation médicamenteuse maintenue au-delà du temps nécessaire à la gestion d’une crise clastique altère le fil intime de la pensée et de la fluidité du comportement du patient. Cela peut constituer pour lui une expérience déshumanisante, une atteinte traumatisante à sa liberté d’être, qui risque de laisser une empreinte de nature à aggraver son état psychique et fonctionnel au long cours. »

  1. CGLPL, Rapport de visite du CH du Vinatier à Bron, septembre 2017.
  2. CGLPL, Le personnel des lieux de privation de liberté, Dalloz, 2017, p. 85.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.
  4. CGLPL, Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, Dalloz, 2016, p. 39.
  5. CGLPL, Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, Dalloz, 2016, p. 38.
  6. CGLPL, Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, Dalloz, 2016, p. 37.

Recommandation 11 – Le recueil et le partage d’informations au sein des lieux de privation de liberté ne doivent pas porter une atteinte excessive à la vie privée et à l’intimité des personnes qui y sont accueillies. Ils doivent s’effectuer dans le respect des prérogatives et de la déontologie de chacun

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale :
 » Dans un établissement de santé mentale, il a été regretté : « […] la plupart des unités étant fermées et les règles adoptées pour contrôler la circulation des patients sur le site étant très rigides et imposant qu’ils soient accompagnés par deux membres du personnel soignant, y compris trop souvent pour des patients en soins libres, nombre de patients ne peuvent se rendre facilement dans les locaux affectés aux cultes tant pour y rencontrer un aumônier que pour y assister à des cérémonies religieuses » 1 . (…).

 » En psychiatrie, la tentation de prédire le risque que le patient commette à l’avenir des actes transgressifs est aussi grande qu’en prison. La question de la dangerosité du malade est posée dès que la presse se fait l’écho de fugues et d’infractions pénales. Il est alors demandé aux psychiatres d’évaluer la dangerosité criminologique du patient, particulièrement de ceux en soins à la demande du représentant de l’État ou en soins sur décision judiciaire constatant l’irresponsabilité pénale. Le rapport d’activité 2019 du CGLPL, sous le titre « Le poids du médico-légal sur le médical » 2 , cite les réflexions d’un psychiatre sur cette charge qui se développe. À défaut de garantir l’avenir, la mesure de soins sans consentement et l’hospitalisation complète sont trop souvent maintenues, comme constaté au CH du Rouvray : « L’absence de confiance du préfet dans l’avis médical et la frilosité des médecins à établir un deuxième certificat font que les hospitalisations complètes sont souvent prolongées alors que des alternatives sont possibles » 3 . Il est aujourd’hui demandé d’évaluer le comportement des patients, pendant l’hospitalisation et pendant des sorties de courte durée avant d’envisager la levée de l’hospitalisation complète, mais « Les préfets se montrent réticents à autoriser les sorties de courte durée de certains patients faisant obstacle à la possibilité d’évaluer le comportement de ces personnes hors de l’institution. Or, ces évaluations conditionnent les possibilités ultérieures de sortie de l’hospitalisation, et il arrive même que le représentant de l’État argue de ce défaut d’évaluation pour refuser une sortie définitive » 4.

  1. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  2. CGLPL, Rapport d’activité 2019, pp. 31-32.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  4. CGLPL, Soins sans consentement et droits fondamentaux, Dalloz, 2020.

Recommandation 12 – En sus d’être hébergées dans des locaux occupés conformément à leur capacité, les personnes privées de liberté doivent disposer d’un espace intime et des moyens de le protéger

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

 » Le défaut d’équipement matériel du lieu d’hébergement accentue l’impossibilité de se préserver de l’action d’autrui : absence de dispositif de fermeture du placard ou d’un coffre fermable pour y mettre à l’abri ses productions écrites les plus personnelles (journal intime, mémoires, dessins, correspondance, photographies, etc.), absence de système de fermeture de la chambre ou de la cellule quand on la quitte ou quand on y est. En effet, les chambres ou cellules individuelles qui ne peuvent pas être fermées de l’intérieur par leur occupant en titre facilitent l’intrusion d’autres personnes et la violation de l’intimité. C’est ce que le CGLPL a dénoncé au centre de santé mentale JeanBaptiste Pussin à Lens : « Les patients ne peuvent pas fermer à clé leur chambre ni leur espace sanitaire comprenant des toilettes, un lavabo et une douche. Ils n’ont pas d’intimité lorsqu’ils se lavent ou se rendent aux toilettes, n’ont aucune tranquillité, ni le jour ni la nuit, alors que certains sont hospitalisés depuis des semaines, des mois, voire des années. Plusieurs personnes hospitalisées, dont une jeune femme et un mineur, ont signalé ou déposé plainte pour des faits de harcèlement et d’agressions en chambre, en journée ou la nuit » 1 . (…).

 » Dans les établissements de santé mentale, des patients généralement qualifiés de désorientés par le personnel soignant errent dans les couloirs avant de pénétrer dans les chambres des autres, provoquant des situations traumatisantes, en particulier la nuit. Il y est souvent malheureusement fait face par plus d’enfermement contraint des personnes. Quand l’occupant en titre de la chambre ou de la cellule quitte momentanément les lieux sans pouvoir en fermer la porte de l’extérieur et que le personnel ne pourvoit pas à sa fermeture, le risque de vol d’effets personnels – simple probabilité ou risque avéré –, met à mal l’intégrité psychique du détenu, du patient, du retenu, etc. Ainsi, dans un établissement de santé mentale parisien, « Seules quelques unités disposent de verrous de confort dans les chambres des patients. Ces verrous ne peuvent être actionnés que de l’intérieur : ils permettent de sécuriser la chambre lorsqu’on y est mais pas lorsqu’on la quitte ». 2. Des dispositifs de fermeture existent pourtant. Il arrive qu’ils ne soient pas en fonctionnement, comme en 2020 dans un établissement de santé mentale : « Les serrures des portes des chambres de l’aile Ouest peuvent être actionnées avec un badge électronique programmé pour n’ouvrir que cette porte et remis au patient ; les soignants disposent d’un badge identique programmé pour ouvrir toutes les portes. Ce mécanisme garantit l’occupant de toute intrusion dans sa chambre, qu’il y soit ou non. Lors de la visite, aucune porte de chambre n’était badgée » 3. Certains établissements de santé mentale prennent en compte la dimension d’agitation psychique provoquée par des stimuli extérieurs en aménageant des espaces d’apaisement que les patients peuvent volontairement rejoindre selon des conditions souples. La conception architecturale des unités inclut aussi parfois des renfoncements aménagés en salons de petite capacité permettant de se soustraire à la collectivité. C’était le cas dans une unité de psychogériatrie du CH George Sand à Bourges : « Des chaises et fauteuils, des petites tables, sont disposés à différents endroits du large couloir qui fait le tour du bâtiment, créant autant d’espaces diversifiés dans lesquels les patients peuvent s’installer » 4 . Mais à l’inverse, les restrictions quant à l’accès aux chambres en journée empêchent toute intimité.

  1. CGLPL, Recommandations en urgence du 1er février 2022 relatives au centre de santé mentale Jean-Baptiste Pussin à Lens (Pas-de-Calais), JORF du 1er mars 2022.
  2. CGLPL, Rapport de la 2e visite du groupement hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences, Site de Sainte-Anne, novembre 2020.
  3. CGLPL, Rapport de visite des services de psychiatrie de l’union sanitaire et sociale Aude-Pyrénées à Limoux, novembre 2020.
  4. CGLPL, Rapport de visite du CH George Sand à Bourges, décembre 2019.

Recommandation 13 – Le droit à la vie privée implique de favoriser l’exercice des libertés de conscience, d’opinion et d’expression. L’action des professionnels ne doit pas écraser les personnalités par des modalités de surveillance et de prise en charge irrespectueuses de leur intimité

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale :

 » Les réunions soignants-soignés dans les établissements de santé mentale et les réunions jeunes dans les CEF sont peu pratiquées. Les rapports de visite du CGLPL contiennent une pléthore de ces constats. Le droit d’expression est pourtant, dans tous ces lieux, une obligation juridique, rappelée par le CGLPL dans ses Recommandations minimales en incitant à prévoir des voies d’expression individuelle et collective, la liberté d’expression incluant celle de « critiquer, y compris le service public chargé d’administrer les lieux d’enfermement » 1 .

  1. CGLPL, Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, Recommandations n° 96 et s., n° 202

Recommandation 14 – L’intimité des personnes privées de liberté doit être préservée dans les sanitaires et les salles d’eau, dont l’agencement doit permettre de s’isoler. Elles doivent y avoir accès à tout moment et librement. Les responsables des lieux d’hébergement doivent tenir à leur disposition des produits d’hygiène adaptés à leur genre déclaré pour qu’elles puissent veiller à leur hygiène personnelle

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Dans les établissements de santé mentale, quand une unité subit une période de suroccupation, des bureaux ou des salons de visite sont transformés en chambre, sans aucune commodité. Dans les chambres d’isolement, les sanitaires, quand ils sont attenants auxdites chambres, sont presque toujours fermés et inaccessibles au patient sans en faire la demande aux soignants, et ce pour des motifs de sécurité systématisés. Faute d’accès aux toilettes, des seaux hygiéniques sont disposés dans ces chambres. Au CHS La Candélie, « Les patients ont à leur disposition pour remplacer les toilettes (pourtant juste à proximité), un seau hygiénique avec couvercle sans anse, avec quelques feuilles de papier à terre. Le seau est vidé au moins une fois par jour, mais pas forcément plus souvent comme l’ont constaté les contrôleurs. Il est utilisé quel que soit le degré d’aisance dans la mobilité des personnes et par exemple aussi pour des personnes très âgées ne pouvant s’accroupir sans difficulté » 1 . Quant au CH du Rouvray : « à l’unité Maupassant, les trois chambres d’isolement disposent d’un sas commun au sein duquel sont installés les sanitaires. En raison du lieu d’implantation des sanitaires ou de leur configuration (douche avec flexible, lavabo en céramique). 2 pouvant présenter un risque pour les patients suicidaires ou très agités, leur accès est interdit durant les premiers jours – voire toute la durée – de l’isolement. Les patients en sont réduits à utiliser un seau hygiénique – la majorité du temps sans couvercle – laissé à disposition dans la chambre car les infirmiers et aidessoignants « n’auraient pas le temps de passer régulièrement dans les chambres » » 2 . Des patients isolés sont contraints de respirer l’air vicié par l’odeur de leurs excréments. Cela arrive aussi quand la chasse d’eau du WC qui équipe la chambre d’isolement ne peut être actionnée par le patient lui-même. (…).

« En psychiatrie, il a pu être observé, comme au centre de santé mentale de Lens, que « les patients ne peuvent pas fermer à clé leur chambre ni leur espace sanitaire comprenant des toilettes, un lavabo et une douche. Ils n’ont pas d’intimité lorsqu’ils se lavent ou se rendent aux toilettes, n’ont aucune tranquillité, ni le jour ni la nuit, alors que certains sont hospitalisés depuis des semaines, des mois, voire des années » 3 . Mais ce sont surtout les toilettes des chambres d’isolement qui sont particulièrement exposées au regard, par vision directe ou par vidéosurveillance. Selon les établissements, divers dispositifs donnent une vue directe sur les sanitaires de la chambre d’isolement : « La paroi de chaque chambre d’isolement donnant sur le sas comprend une porte aveugle et une cloison constituée en partie d’une large baie vitrée à 90cm du sol, donnant une vue complète sur la chambre d’isolement. Seule la partie basse de la baie vitrée est recouverte d’un film opacifiant sur une hauteur d’environ 40cm. Les toilettes de chaque chambre d’isolement étant situées immédiatement derrière cette baie vitrée, la personne isolée y est visible, lorsqu’elle les utilise, par le personnel ou par un autre patient isolé se rendant, par exemple, à la salle d’eau ou encore par un visiteur, ce qui constitue une atteinte grave à son intimité » 4 . « Le hublot depuis le sas vers la salle de bains [des chambres d’isolement] donne une vue directe sur les toilettes ». Dans sa réponse, le directeur général de l’établissement justifie : « Les patients n’ont pas accès au sas des chambres d’isolement. Les soignants pour leur part sont habilités à côtoyer la nudité d’un patient. […] Les contrôleurs doivent donc préciser que la prétendue « habilitation à côtoyer la nudité » ne saurait permettre un regard invasif sur les postures d’intimité que constituent l’utilisation des toilettes et l’atteinte au respect de l’intimité qu’il porte ainsi » 5 . De plus en plus d’établissements en psychiatrie équipent leurs chambres d’isolement d’un système de vidéosurveillance. Quand le WC n’est pas séparé de la chambre, la vue en est possible pour toute personne pénétrant dans les salles de soins où sont ordinairement placés les moniteurs. Un carré noir est presque partout disposé sur l’image à l’emplacement des toilettes, mais soit mal ajusté, soit trop petit pour couvrir toute la zone, il ne garantit pas l’intimité, et peut générer chez des patients déjà fragilisé par leurs troubles un sentiment d’envahissement et des réactions de persécution. À Limoux, « L’intégralité de la chambre est visualisée y compris les toilettes, l’image est renvoyée dans le bureau infirmier. Un système de floutage amovible masque à l’image la partie WC, ce qui est supposé préserver l’intimité du patient mais celuici, qui voit la caméra, ne le sait pas » 6 . Quant à Quimper « Il est fréquent que [dans les chambres d’isolement] les sanitaires soient fermés et qu’un urinal et un bassin soient utilisés sous l’œil de la caméra. […] Les équipes assurent avoir évité un suicide grâce à cet outil et n’en voient pas le caractère attentatoire à l’intimité du patient » 7 . Les femmes privées de liberté subissent une atteinte supplémentaire et bien spécifique à leur dignité et à leur intimité lorsqu’elles ont leurs règles. (…) Ce peut être également le cas en psychiatrie. « Une jeune femme en période de menstruation, en isolement depuis plus d’une semaine, a ainsi indiqué avoir tambouriné à la porte pendant plusieurs heures de nuit, angoissée et incommodée par les odeurs dans la chambre »  .

  1. CGLPL, Rapport de visite du CHS La Candélie à Pont-de-Casse, juillet 2019.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  3. CGLPL, Recommandations en urgence du 1er février 2022 relatives au centre de santé mentale Jean-Baptiste Pussin à Lens (Pas-de-Calais), JORF du 1er mars 2022.
  4. CGLPL, Rapport de visite de la clinique San Ornello à Borgo, juillet 2020.
  5. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.
  6. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  7. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.

Recommandation 15 – Disposer de ses effets personnels participe du respect de l’intimité. Les personnes privées de liberté doivent être informées des règles relatives à la jouissance de leurs biens. Le port de vêtements personnels doit être privilégié et leur entretien assuré. Tout retrait d’un bien personnel doit être individualisé, nécessaire, proportionné et doit être tracé

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

« Si le livret d’accueil et le règlement intérieur des établissements de santé mentale invitent simplement les patients à mettre leurs effets personnels à l’abri des vols, les contrôleurs constatent une réalité plus contraignante : « D’une part, les personnes ne sont pas seulement invitées mais souvent obligées à se défaire d’un certain nombre d’objets. Dans les unités de suite, les restrictions sont minimes, en fonction de l’état clinique des patients et jamais systématiques. En revanche, dans les unités d’admission, les malades ne peuvent pas garder tous leurs effets personnels. Des biens sont obligatoirement retirés, en fonction des unités : rasoirs, bouteilles en verre (parfum), denrées périssables, aérosols, clés à molette, tournevis, coupe-ongles, documents d’identité, argent liquide au-delà d’un certain montant (variable là aussi en fonction des pavillons) » 1 . (…).

 » Enfin, le retrait des téléphones portables – parfois au motif qu’ils offrent une fonction de photographie, parfois par principe –, parce qu’il empêche ensuite les liens avec l’extérieur dans des institutions où ce lien n’a pas à être contrôlé (CRA, établissements de santé mentale), constitue une restriction inutile face à laquelle le CGLPL promeut un régime classique de droits et d’obligations : « Les personnes retenues doivent pouvoir conserver leur téléphone portable, en étant informées des restrictions relatives à l’usage des photographies et des sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces règles. À défaut un téléphone démuni d’appareil photographique doit leur être remis gratuitement lorsque leur appareil leur est retiré. (…). Les approches du sujet sont très diverses dans les établissements de soins psychiatriques, y compris même entre deux unités d’un même établissement. (…).

 » Enfin, ces retraits vont particulièrement loin à l’hôpital quand des patients sont laissés nus dans la chambre d’isolement, afin d’assurer leur sécurité dans le cadre d’un risque suicidaire, comme au CH du Rouvray : « Dans certaines unités, [les patients] dont le risque suicidaire est considéré comme élevé sont placés nus dans la chambre, une seule couverture leur étant octroyée » 2 . C’était aussi le cas au CH George Sand à Bourges : « En cas de risque suicidaire […], le patient est mis en isolement totalement nu entre deux couvertures sécurisées selon un protocole « anti-suicide » dont aucune trace écrite n’a été retrouvée mais dont l’application est généralisée et systématique dans toutes les unités et totalement assumée par les médecins rencontrés, redoutant un passage à l’acte dont ils seraient tenus pour responsables » 3 .

 » Dans des hôpitaux, les contrôleurs rencontrent parfois des « patients qui continuent de porter un pyjama faute de pouvoir tenir leur pantalon personnel en l’absence de ceinture, retirée à l’entrée. De même, les lacets des chaussures étant retirés, certains patients se promènent en chaussettes ou en mules, ce qui peut les gêner pour sortir dans les cours » 4. (…).

« Dans le même souci de protection, le dépôt des biens de valeur à la « banque des patients » les rend inaccessibles à leur propriétaire dans les établissements de santé mentale où la porte de l’unité est fermée. C’était le cas au CH du Rouvray : « Toute activité est rendue aléatoire par la nécessité de franchir la porte de l’unité, dans une relation de dépendance très forte avec les soignants, qui ne sont pas toujours disponibles. […] la fermeture de la porte de l’unité d’hospitalisation a des conséquences, pour tous les patients, notamment quant à […] la jouissance de leurs biens personnels (pour se rendre à la banque des patients par exemple) ». 5 Le dépôt des biens de valeurs à la trésorerie publique lors de certaines hospitalisations oblige, lors de la levée d’hospitalisation, à se rendre dans les locaux de ladite trésorerie aux jours et heures ouvrables. Le détenteur d’une carte bancaire se retrouve ainsi démuni pendant quelques jours si son hospitalisation prend fin un vendredi soir sans rapatriement anticipé des valeurs sur le lieu de soin. « Le délai minimal de récupération de leurs effets de valeur par les patients à leur sortie est de 48 heures en semaine et de trois jours lors de sorties prescrites un vendredi. Or, les patients peuvent parfois être avisés de leur sortie dans des délais plus courts et ainsi sortir de l’hôpital sans avoir recouvré leurs cartes bancaires et chéquiers notamment » 6 . (…).

« L’hôpital, parfois, écarte ou diffère la remise au patient de biens par les familles lors de leur venue en visite : « Les objets personnels destinés aux patients apportés par les familles ne peuvent leur être remis en mains propres, ils doivent être donnés aux soignants (cigarettes, vêtements propres, nécessaire de toilette, documents administratifs, etc.). Les visiteurs ne sont autorisés à garder que la nourriture non périssable destinée aux malades » 7 .

  1. CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, 2019.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CH George Sand à Bourges, décembre 2019.
  4. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.
  5. CGLPL, Rapport de visite du CH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  6. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM de Saint-Avé, avril 2016.
  7. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.

Recommandation 16 – Les conditions matérielles de conservation des biens personnels – et par là même la protection de l’intimité des personnes privées de liberté – doivent comprendre des espaces de rangement en volume et nombre suffisants, offrant un lieu sûr et à l’abri des regards

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

 » Dans les établissements de santé mentale, de façon paradoxale, il est fréquent que les rangements, censés favoriser l’autonomie des patients, ne ferment pas à clé. »

Recommandation 17 – Les personnes privées de liberté doivent pouvoir communiquer avec les services sanitaires dans des conditions satisfaisantes de confidentialité. Leur transport vers un lieu de soins extérieur au lieu de privation de liberté doit être organisé en individualisant les conditions de la surveillance et en préservant la personne des regards de façon à protéger son intimité et à ne pas porter atteinte à sa dignité

 

Recommandation 18 – La confidentialité des soins et le secret médical contribuent au respect de l’intimité et de la vie privée et doivent être scrupuleusement respectés dans tous les actes mettant en relation un soignant et un patient privé de liberté. Ces derniers doivent se voir et se parler sans être vus ni entendus par des tiers. Aucune modalité de surveillance et de contrainte ne doit porter atteinte à l’intimité des patients pendant les soins. L’aménagement des locaux doit permettre la mise en œuvre de ces principes légaux et déontologiques

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 
 » En psychiatrie, en particulier dans les services universitaires, les visites en chambre du chef de service suivi de son aréopage, outre qu’elles imposent au patient une suroccupation ainsi qu’un envahissement de son espace intime, y associent parfois un personnel non médical. Ainsi au CHU de Montpellier, « Les visites en chambre avec médecin, internes, cadre, infirmiers parfois assistant social sont organisées toutes les semaines ; les contrôleurs se sont interrogés sur le caractère professoral de ces visites et leur impact sur des patients de psychiatrie pouvant être déstabilisés devant tant de monde en blouse blanche » 1 . La distribution des médicaments peut être l’occasion d’une exposition du traitement aux regards du personnel et des autres personnes privées de liberté, révélant ainsi des informations sur la santé. C’est le cas en psychiatrie : les médicaments sont fréquemment distribués à la vue et à l’oreille de tous, pendant les repas 2 ou bien à l’entrée de la salle de soins devant laquelle les patients attendent en file indienne 3 . De plus, dans de nombreux établissements, les pratiques sont disparates entre les unités, sans aucune analyse dans le sens du respect de l’intimité des patients au moment de l’administration de leur traitement. Ainsi, au CHS de Bohars, « la dispensation des traitements se fait, selon les unités, soit dans le poste de soins soit au moment des repas. Lorsqu’elle a lieu dans la salle de soins, les patients se présentent un par un mais la porte reste ouverte. Il n’a pas été constaté de file d’attente, la circulation étant fluide mais la confidentialité n’est pas respectée comme l’a indiqué un soignant. Lorsque les traitements sont distribués à table, les explications sont fournies au vu et au su de tous au mépris de toute discrétion » 4 . Quelques établissements adoptent la remise systématique des traitements dans la salle de soins : « La distribution des médicaments est réalisée en salle de soins, jamais à la salle à manger ou en chambre. […] Les patients se présentent aux heures de distribution, sont accueillis par un soignant au moins, referment la porte derrière eux, prennent le traitement devant l’infirmier […] Les contrôleurs ont constaté que le temps de distribution était suffisant pour permettre des échanges entre le patient et le soignant, parfois sur le traitement en lui-même, parfois sur des sujets tout autres » 5 . Il est rare que les médicaments soient distribués en chambre 6 . » (…).

 » La remise du traitement médicamenteux qui constitue l’opportunité d’un échange entre le patient et le soignant, visant l’éducation thérapeutique individualisée et la recherche d’un consentement éclairé aux soins, est un moment où l’intimité du patient doit être protégée. »

  1. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Montpellier, février 2020.
  2. CGLPL, Rapports de visite du CHS du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019, du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019, du CHS George Sand à Bourges, décembre 2019 ; de la fondation Bon Sauveur de la Manche à Picauville, février 2020 ; de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  3. CGLPL, Rapport de visite de la clinique San Ornello à Borgo, juillet 2020.
  4. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Bohars, mars 2020.
  5. CGLPL, Rapport de visite des services de psychiatrie de l’union sanitaire et sociale Aude-Pyrénées à Limoux, novembre 2020.
  6. CGLPL, Rapports de visite du CHU Corentin Celton à Issy-les-Moulineaux, février 2020, de la clinique d’Orgemont à Argenteuil, juillet 2020.

Recommandation 19 – Les personnes privées de liberté doivent pouvoir accéder aux données contenues dans leur dossier médical, les recevoir et les conserver dans des conditions respectueuses de leur intimité. Il revient aux administrations en charge des lieux d’enfermement ou aux services médicaux qui y exercent de leur garantir l’effectivité et la confidentialité de cet accès

Recommandation 20 – Les administrations doivent garantir l’intimité et la dignité des personnes en perte d’autonomie en développant des partenariats aux fins d’adaptation des conditions de prise en charge à leur état de santé physique ou psychique

 

Recommandation 21 – L’accès des personnes privées de liberté à la correspondance écrite et téléphonique doit respecter leur intimité, qu’il s’agisse des moyens matériels mis à leur disposition ou bien des conditions de surveillance de ces derniers

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 
 » En psychiatrie, la correspondance écrite n’est soumise à aucune réglementation restrictive, et le matériel pour écrire ou l’affranchissement ne font pas difficulté, à l’exception des patients placés en isolement auxquels le matériel de correspondance n’est pas fourni. Il reste que, pour le courrier sortant, des boîtes aux lettres relevées par une personne dédiée, sont rarement disponibles dans les unités où des patients ne sont pas autorisés à sortir, alors que ce serait de nature à garantir le secret de la correspondance. Quand les soignants craignent que le contenu d’un courrier déstabilise ou nuise au patient, il leur arrive d’accompagner sa lecture, dans un difficile équilibre entre respect de la vie privée de celui-ci et prise en compte de sa fragilité psychique. Les colis reçus, eux, sont généralement contrôlés par le personnel en présence de leurs destinataires 1 . (…).

‘D’autres pratiques restrictives existent : au CHS Gérard Marchant, « dans les zones fermées, […] parfois les téléphones portables sont laissés aux patients mais leur carte SIM est retirée, le plus souvent les portables sont retirés et éventuellement restitués sur demande pour de courtes périodes » 2 ; à la clinique Val Dracy, « à leur arrivée, les patients sont contraints de déposer […] presque tous leurs effets personnels [dont le] téléphone portable, […] Si, ultérieurement, ils leur sont le plus souvent rendus […] sur prescription médicale, le principe demeure donc l’interdiction, même de courte durée » 3 ; ailleurs, les horaires d’usage du téléphone portable sont réduits, comme au CHS La Candélie : « A l’unité Rimbaud, le portable n’est remis au patient qu’après la toilette du matin et est repris à 21h30, […] ; les unités Pruniers et SIRA […] autorisent le portable mais pas son cordon d’alimentation » 4 . Les unités d’hospitalisation pour adolescents et jeunes adultes interdisent le plus souvent les téléphones, ou bien les retirent pour la nuit. Des arguments comparables à ceux exprimés en CEF, voire en prison et en CRA, sont avancés. Cependant, le CGLPL observe avec satisfaction que peu à peu, des équipes soignantes adaptent le retrait en fonction de la situation clinique du patient, et sur avis médical réévaluable dans le temps. (…).
 » En psychiatrie, les communications des patients qui ne disposent pas de leur téléphone portable se font soit au moyen de points phones dans les couloirs, soit avec le téléphone du bureau infirmier. À la clinique San Ornello, « les patients en soins sans consentement passent leurs appels [après avis médical] sous la responsabilité de l’agent de sécurité qui compose le numéro et doit noter […] le numéro appelé et le nom du patient concerné. Le téléphone sans fil du bureau de l’agent de sécurité est remis au patient et la conversation a lieu dans le couloir ou dans le bureau, sans aucune intimité ; les appels entrants se déroulent dans les mêmes conditions » 5. Comme en prison, les points phones ne garantissent pas l’intimité des communications : dans certaines unités du CHS La Candélie , « il n’existe qu’un poste téléphonique mural, au milieu du couloir, où le personnel transmet les appels extérieurs et passe au patient son correspondant après avoir composé le numéro de ce dernier : l’absence de cabine et de chaise ne permet ni confort ni confidentialité » 6. Quant aux restrictions d’horaires pour passer ou recevoir les appels, qui font prévaloir l’organisation sur les besoins des patients, elles placent ceux-ci en situation de dépendance à l’égard des soignants. C’est le cas au CH Albert Bousquet : « Dans les unités 5 et 5 bis, la possibilité de téléphoner est restreinte. Les patients n’ont pas le droit de conserver un téléphone portable et ils doivent utiliser les cabines pour téléphoner, lesquelles ne sont accessibles que les après-midi à partir de 15h. Les patients attendent ainsi leur tour les uns à côté des autres près de la cabine. […] Les appels passés depuis les salles de soins, bureaux des infirmiers ou cabines téléphoniques ne permettent pas de bénéficier d’un échange confidentiel » 7 . Au CH Robert Ballanger, « dans l’un des services, la majorité des patients dispose sans limite de son téléphone portable ; dans un autre, l’utilisation est limitée à deux heures par jour et interdite pour certains patients. Ces derniers peuvent utiliser le téléphone du service. L’une des unités autorise les patients à téléphoner et recevoir des appels avec un téléphone du service sans limitation en nombre et en durée ; dans un autre, certains patients ne sont pas autorisés à recevoir et émettre des appels téléphoniques au moment de leur choix » 8 .

  1. CGLPL, Rapport de visite du CHS La Candélie à Pont-de-Casse, juillet 2019.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.
  3. CGLPL, Rapport de visite de la clinique Val Dracy à Dracy le fort, novembre 2020.
  4. CGLPL, Rapport de visite au CHS La Candélie à Pont-de-Casse, juillet 2019.
  5. CGLPL, Rapport de visite de la clinique San Ornello à Borgo, juillet 2020
  6. CGLPL, Rapport de visite du CHS La Candélie à Pont-de-Casse, juillet 2019.
  7. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019.
  8. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CH Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois, novembre 2020.

Recommandation 22 – Les autorités doivent mettre à disposition des personnes privées de liberté, dans le respect de l’intimité, tout moyen de tisser ou d’entretenir des liens affectifs ou sociaux, y compris par les nouvelles technologies

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 
 » En psychiatrie, les pratiques sont ici encore très diverses, allant d’établissements disposant d’un accès wifi destiné aux patients ou de salles d’activités connectées, voire de tablettes numériques prêtées aux patients, jusqu’à des établissements interdisant tout. Le CGLPL recommande donc « qu’un accès à internet soit aménagé dans l’ensemble des centres hospitaliers accueillant des patients admis en soins psychiatriques sans leur consentement, afin de permettre aux patients dont l’état clinique le permet de consulter leur messagerie, de se former ou de s’informer et d’initier des démarches pour préparer leur levée d’hospitalisation, en toute autonomie. De même, les patients doivent pouvoir conserver leurs terminaux mobiles personnels (smartphones, ordinateurs portables, tablettes, etc.). Les seules exceptions doivent relever d’une décision médicale ou du choix du patient concerné. […] La présence de professionnels aux côtés des patients lorsqu’ils utilisent leur messagerie électronique, consultent des sites internet ou effectuent des démarches en ligne ne peut être justifiée que par la demande expresse formulée par le patient lui-même ou par un motif thérapeutique. Les établissements de santé doivent par ailleurs aménager un accès wifi pour permettre aux patients d’utiliser leurs terminaux personnels ».

CGLPL, Avis du 12 décembre 2019 relatif à l’accès à internet dans les lieux de privation de liberté, JORF du 6 février 2020.

Recommandation 23 – Les souhaits de rapprochement ou de cohabitation motivés par des liens familiaux, d’entraide ou d’amitié entre captifs doivent être favorisés au titre du droit à la vie privée

Recommandation 24Les personnes privées de liberté doivent être en mesure de recevoir des visites régulières de leurs proches, dans des conditions satisfaisantes d’intimité auxquelles les modalités de surveillance ne doivent pas porter atteinte. Elles doivent être informées des événements familiaux qui les concernent et pouvoir y participer

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

 » En psychiatrie, l’accès des visiteurs dans les chambres de leurs proches varie entre autorisation et interdit, alors même que toutes les unités ne sont pas équipées de salons de visite. Ainsi, il est interdit à Quimper 1 , tandis que dans le même département, à Bohars 2 , la chambre – avec le parc et la cafeteria – constitue l’unique lieu de rencontre entre une personne hospitalisée et ses visiteurs. Le contraste des pratiques entre ces deux établissements finistériens est représentatif de la disparité des approches entre tous les établissements psychiatriques du territoire national, et même, au sein de ceux-ci, entre unités, sans qu’une réflexion institutionnelle n’étaye la diversité de ces positions. Au CHU de Montpellier 3 , où les visites en chambre sont interdites dans certaines unités, et fortement déconseillées dans les autres, le motif avancé est le risque d’interférence entre les autres patients et les familles, mais aussi la crainte que ces dernières remettent des objets dangereux au patient alors que cette possibilité n’est pas moins forte dans un salon de visite voire à l’extérieur de l’unité. Au CH de Boulogne-sur-Mer 4 , les patients peuvent recevoir leur conjoint dans leur chambre, mais celle-ci ne peut être fermée de l’intérieur, ce qui est tout sauf propice à une rencontre intime. Au CHS La Candélie 5 , où la plupart des unités n’autorisent pas la visite en chambre, et faute d’un local dédié aux visites, les rencontres se déroulent dans un jardin intérieur, un salon de télévision, une salle à manger, ou un renfoncement à proximité de la porte d’entrée. Les unités du CH Sainte-Marie de Nice 6 ne disposent, elles aussi, d’aucun salon pour les visites ; ces dernières se déroulent dans la chambre du patient (mais les chambres collectives sont encore nombreuses), dans le salon TV, dans la salle de réfectoire, dans le patio ou la cour, voire sur la pelouse extérieure, si cela est autorisé. Même lorsque les unités disposent d’un salon de visite, l’intimité de la rencontre n’est pas assurée quand plusieurs familles y sont accueillies au même moment, comme observé au CH Albert Bousquet 7 ou au CHU de Montpellier 8 . De plus, la suspension des visites en psychiatrie pendant le confinement du printemps 2020 a privé les patients et leurs familles de rencontres, ce qui a contraint certains proches à des pratiques humiliantes. Ainsi, au CH d’Aulnay-sous-Bois : « […], des conjoints ont été aperçus communiquant au travers de la porte vitrée verrouillée et d’autres criant pour communiquer au pied du bâtiment vers une fenêtre à l’étage » 9 .

  1. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM Etienne Gourmelen Quimper, janvier 2020.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Bohars, mars 2020.
  3. CGLPL, Rapport de visite du pôle psychiatrique du CHU de Montpellier, février 2020.
  4. CGLPL, Rapport de visite du CH de Boulogne-sur-Mer, octobre 2021.
  5. CGLPL, Rapport de visite du CHS de la Candélie à Pont-de-Casse, juillet 2019.
  6. CGLPL, Rapport de la 3e visite du CH Sainte Marie à Nice, mars 2021.
  7. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CH Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019.
  8. CGLPL, Rapport de visite du pôle psychiatrique du CHU de Montpellier, février 2020.
  9. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CH Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois, novembre 2020.

Recommandation 25 – Les personnes privées de liberté conservent, au titre de leur droit à la vie privée, leur liberté sexuelle. Elle doit pouvoir s’exercer dans des lieux qui respectent la dignité, qu’il s’agisse d’espaces d’hébergement personnel ou d’accueil des proches. La surveillance doit respecter l’intimité de tous. Dans chaque établissement, la vie affective et sexuelle des personnes privées de liberté doit faire l’objet d’une réflexion institutionnelle

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 

 » Dans la plupart des services de psychiatrie, un leitmotiv revient : « les patients ne sont pas là pour ça ». Plusieurs établissements hospitaliers, ou certaines de leurs unités, croient ainsi pouvoir interdire toute relation sexuelle 1 . Dans ces lieux, et dans ceux où cette mention a été retirée (parfois récemment) des règlements intérieurs ou des règles de vie des unités, l’opinion encore très ancrée de la plupart des soignants se résume à l’assertion : « l’hôpital n’est pas un lieu de vie ». Seul le devoir de protection de l’institution à l’égard des personnes vulnérables, notamment des femmes, est mis en avant ; le pouvoir d’agir des patients n’est jamais interrogé. Au pôle de psychiatrie du CHU de Nîmes « Les craintes d’infections sexuellement transmissibles, de grossesse non désirée et les risques d’abus sexuels fondent une interdiction de principe de toute relation sexuelle. Néanmoins, les soignants de l’ensemble des unités ont dit avoir conscience des rapprochements entre patients et leur fournissent des préservatifs en cas de besoin. […] Ainsi, sans les autoriser, l’équipe soignante semble tolérer les relations sexuelles. Une telle approche affaiblit l’information et la prévention qui devraient entourer le sujet ». Dans l’unité pour adolescents du même établissement, « la vie affective et sexuelle est abordée dès la première page des règles de vie, en majuscule et encadré, sous l’angle du strict interdit : « Les rapprochements physiques (câlins, se tenir la main, bisous…) et relations sexuelles ne sont pas autorisés dans l’unité ». Pour justifier cette interdiction générale, les soignants relatent que des patients ont accusé d’autres patients d’agression sexuelle et qu’il a fallu gérer les plaintes des parents. Il apparaît alors que certaines des règles de vie auraient une fonction de protection des professionnels et du service face au risque d’être judiciairement mis en cause »2. Ailleurs, si l’interdit n’est pas clairement posé, il n’existe aucune approche explicite et homogène de la vie affective et sexuelle des patients, le sujet n’est pas abordé en entretien, et seul un traitement des situations au cas par cas est appliqué. Au CHS de Digne-les-Bains, il est ainsi précisé aux patients dont on a repéré le rapprochement que « les relations sexuelles ne sont pas souhaitées » 3 . Ces interdictions ou ces évitements sont particulièrement marqués dans certains établissements : « la sexualité des patients ne donne lieu à aucune réflexion collective. Le sujet est même écarté – voire caricaturé – au motif que « ce n’est pas la préoccupation des patients qui sont là pour se soigner » et « ils ne sont pas en état de pleine conscience » ». Au CHS Albert Bousquet « une équipe a […] expliqué aux contrôleurs qu’elle pratiquait un « recadrage immédiat » dès qu’un rapprochement entre patients était constaté et s’assure qu’il n’y ait pas de sexualité au sein de l’unité » 4 . Au CHS Gérard Marchant « un chef de pôle a demandé de ne pas laisser les patients ensemble sans surveillance, notamment en raison de la mixité à la suite de difficultés relatives à des comportements sexuels entre patients » 5 . Ces positions contraires aux droits fondamentaux des patients peuvent même conduire à des sanctions, tels ces patients mis en pyjama pour avoir eu une activité sexuelle dans le parc de l’hôpital 6. (…).
 » En psychiatrie, les quelques occurrences d’une approche positive de la sexualité des patients restent le plus souvent limitées à une unité, à partir de la sensibilité particulière d’un médecin, d’un cadre de santé ou de quelques soignants, qui ont parfois suivi une formation et parlent alors de droits fondamentaux ou d’éducation thérapeutique, telle cette infirmière : « J’ai appris que la sexualité est un droit, et cela va sans doute apaiser nos discussions au cours des staffs » 7 . Dans une unité pour patients au long cours de l’EPSM de Prémontré, « la question de la sexualité est abordée aisément au sein de l’équipe soignante, qui accompagne les patients dans leurs besoins (achats de matériel, de revues, etc.). Les patients y sont décrits comme « libres », tant qu’ils ne s’exposent pas aux autres et respectent les règles de discrétion et d’intimité. La question de la vulnérabilité et du libre consentement est discutée avec les patients. Des préservatifs masculins sont disponibles gratuitement sur demande au personnel soignant « ils font la demande et on leur donne un petit stock » et les moyens de contraception sont discutés avec le médecin généraliste » 8 . Au CHS de Digne-les-Bains 9 , il est arrivé qu’un patient qui en avait fait la demande soit accompagné pour faire ses achats dans un magasin spécialisé du voisinage. Mais généralement, chaque professionnel et chaque équipe soignante sont conduits à se référer à des valeurs individuelles (« mais M. Untel est marié… que dire à la famille ? ») ou à se raccrocher à des positions doctrinales. Les échanges au sein des équipes ont lieu uniquement lorsque des situations considérées à risques sont repérées, au cas par cas et à chaud, sans vision globale ni visée préventive. Le risque est d’invisibiliser le sujet, de rejeter la question hors du lieu d’hospitalisation ou de fermer les yeux. Il est rare que la réflexion soit conduite de façon institutionnelle. Le comité d’éthique de chaque établissement hospitalier est très exceptionnellement saisi. Ce fut quand même le cas en 2018 à l’EPSM Etienne Gourmelen de Quimper ; son comité d’éthique a émis l’avis suivant : « Pour les patients hospitalisés au long cours et en soins sans consentement, sur avis médical, le comité d’éthique propose la création d’un espace approprié à l’exercice de ces droits fondamentaux au sein de l’hôpital, dont les modalités seront à élaborer (lieu, critères d’accès…) » 10 . La perspective originale et ambitieuse ouverte par cet avis n’a cependant trouvé aucun début de réalisation. Des colloques ou des formations sont parfois organisés. Au CH Saint Jean de Dieu à Lyon, un colloque intitulé : « Entre santé sexuelle et sexualités : quand l’institution s’en mêle » a été organisé en 2018, des formations complémentaires et un autre colloque étaient prévus pour poursuivre la démarche, en y associant les représentants des usagers 11 . À la Fondation Bon Sauveur de la Manche à Picauville, une rencontre professionnelle proposait en 2019 d’explorer les questions suivantes : « La sexualité de nos patients au sein des structures de soins : droit pour l’individu ? Autorisation ou tolérance du soignant ? Ignorance du soignant ? Qu’en est-il de la question du consentement, de celle de la vulnérabilité ? ». Une autre séance était prévue en 2020 : « Face à la sexualité des patients à l’intérieur de l’hôpital, quelle posture pour les soignants, quelle interaction avec le soin ? » 12 . Au CHS Vauclaire, l’établissement a organisé en 2019, en partenariat avec des organismes extérieurs, une journée d’information sur la sexualité ouverte simultanément aux patients et aux soignants 13 . Quant à l’établissement de santé Alsace-Nord, un colloque des soignants y a été organisé dès 2013, intitulé « Ça ne nous regarde pas ! Intimité-sexualité-institutions », mais aucune suite n’y a été donnée. 14 . (…).

« En psychiatrie, de rares situations portées à la connaissance du CGLPL témoignent d’une attitude ouverte concernant l’accès aux images pour les patients. Ainsi de cette UMD où l’équipe soignante s’est accordée sur l’intérêt de mettre à la disposition des patients des magazines pornographiques. Mais la prise en compte de l’expression de la sexualité peut aussi se heurter à la morale personnelle du mandataire judiciaire d’un patient dépensant son argent en images pornographiques : la proposition d’un membre de l’équipe soignante de lui faire souscrire un abonnement pour un moindre coût a été rejetée au motif que cela allait l’inciter à en visionner davantage 15 « . (…).

 » Dans les établissements hospitaliers en psychiatrie, l’absence de verrou de confort dans la plupart des chambres et l’offre persistante de chambres doubles (cf. chapitre 4), illustrent la non-prise en compte de la sexualité, tant dans une dimension de protection que dans une dimension d’épanouissement personnel. Il est de toute façon fréquent que l’on ne puisse inviter qui l’on veut dans sa chambre (cf. chapitre 8). Encore plus que la visite d’un proche dans sa chambre, le fait d’y recevoir un autre patient est régulièrement interdit dans les règles de vie de nombreuses unités, au motif – ironique – du respect de l’espace intime de chacun et de la protection des patients vulnérables 16 . Mais rarissimes sont les règles de vie d’unité qui prévoient avec bon sens que l’accès à une chambre soit soumis à l’accord de son occupant 17 . Et comme l’interdit ne suffit pas à supprimer l’existence des relations sexuelles, celles-ci ont alors lieu dans des conditions ni confortables ni sûres : en cachette dans les chambres, durant les temps de relève ou de réunion des équipes soignantes, ou bien encore dans les sanitaires ou le parc de l’établissement hospitalier 18 , pouvant dès lors représenter un risque pour les patient.e.s les plus vulnérables.

  1. CGLPL, Rapports de visite du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019, du CHU Corentin Celton à Issy-les-Moulineaux, février 2020, du CHU de Montpellier, février 2020.
  2. CGLPL, Rapport de visite du CHU de Nîmes, avril 2021.
  3. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Digne-les-Bains, décembre 2020.
  4. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019.
  5. CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.
  6. CGLPL, Rapport de visite du CH Saint Jean de Dieu à Lyon, avril 2019.
  7. CGLPL, Rapport de visite du CHS Le Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  8. CGLPL, Rapport de la 2e visite de l’EPSM de l’Aisne à Prémontré, janvier 2021.
  9. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Digne-les-Bains, décembre 2020.
  10. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  11. CGLPL, Rapport de visite du CH Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, avril 2019.
  12. CGLPL, Rapport de visite de la fondation Bon Sauveur de la Manche à Picauville, février 2020.
  13. CGLPL, Rapport de visite au CHS Vauclaire à Montpon-Ménestérol, mars 2019.
  14. CGLPL, Rapport de visite de l’établissement public de santé Alsace-Nord à Brumath, novembre 2019.
  15. CGLPL, Rapport de la 2e visite de l’EPSM Charcot à Caudan, janvier 2021.
  16. CGLPL, Rapports de visite du CHU Corentin Celton à Issy les Moulineaux, février 2020, de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020, du pôle de psychiatrie de l’AP-HM de Marseille, janvier 2020.
  17. CGLPL, Rapport de visite du CHS Vauclaire à Montpon-Monesterol, mars 2019.
  18. CGLPL, Rapports de visite du CHS La Candélie à Pont du Casse, juillet 2019, du CHS George Sand à Bourges, décembre 2019, du CHS du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.

Recommandation 26 – Afin de respecter leur intimité, la santé sexuelle et reproductive des personnes privées de liberté doit être appréhendée de manière globale et positive à travers des dispositifs d’éducation à la santé. L’accès à des moyens consentis de protection, de contraception et de procréation doit leur être assuré

Extrait du rapport concernant les établissements de santé mentale : 
 » Dans de nombreux services de psychiatrie, aucune information ne porte sur la sexualité. L’effet des médicaments psychotropes sur la libido n’est pas toujours abordé et l’information sur les infections sexuellement transmissibles et la contraception n’est pas systématique, ou renvoyée au médecin généraliste. On peut toutefois noter quelques actions singulières d’éducation à la santé sexuelle, comme celle conduite à Limoux : « des ateliers « vie amoureuse et sexuelle » sont organisés et animés par les soignants et dans l’aile Ouest, une approche individualisée de ces questions est organisée pour un jeune patient » 1 . À la suite de la visite du pôle de psychiatrie de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), le directeur général de l’AP-HM a décrit un projet de présence de personnel de la protection maternelle et infantile auprès des patients, complétée par des actions de formation et de sensibilisation des professionnels du pôle et un meilleur accès aux moyens de contraception et de protection.2″ (…).

 » En psychiatrie, la mise à disposition des préservatifs est loin d’être toujours facilitée dans les unités accueillant des patients en soins sans consentement. La clinique d’Orgemont 3 et l’EPSM Etienne Gourmelen 4 n’en disposent pas, au CHU Corentin Celton « des préservatifs auraient été commandés pour les unités ouvertes de psychiatrie générale et d’addictologie mais il n’est pas envisagé d’en proposer dans les [unités fermées] » 5 . Alors que la plupart des pharmacies des établissements hospitaliers disposent de cet article, des soignants dans les services n’en sont pas informés et ne les commandent pas 6 . Dans les services qui en ont une réserve, la mise à disposition, par exemple dans une corbeille discrètement disposée dans la salle de soins, est rarissime. Il faut alors faire la demande aux soignants 7 , à condition d’être informé que le stock existe, et ce qui peut être dissuasif pour certains patients. Au CH de Bohars, « certaines unités disposent d’un stock de préservatifs qui ne sont pas en accès libre mais distribués à la demande des patients, ce pour initier un échange sur ce sujet. D’autres n’en disposent pas ou leur stock, périmé, a été jeté » 8 . Quand des distributeurs ont été installés sur le site de l’hôpital, ils ne fonctionnent pas toujours 9 . Dans certains établissements, c’est la cafeteria qui vend les préservatifs 10 , ou bien « les préservatifs ne sont disponibles qu’aux ateliers thérapeutiques, où une corbeille est régulièrement réapprovisionnée. Certains patients y prennent des préservatifs pour les apporter aux autres résidents de leur unité » 11 .

En psychiatrie, le CGLPL constate que l’accès à la contraception est rarement abordé lors de l’entretien d’entrée et le peu d’informations délivrées aux patientes quant à l’accès à un médecin généraliste ou gynécologue. Au CHU de Nîmes, « Les patientes en âge de procréer doivent systématiquement se soumettre à un test de grossesse à leur entrée » 12 . Au CHS Gérard Marchant, « la question de la contraception est renvoyée au médecin généraliste qui oriente la patiente vers le gynécologue. Celui-ci propose le plus souvent l’implant contraceptif. Des cas de recours à l’IVG en raison de défauts de contraception ont existé. Cette question est ainsi peu prise en compte par les soignants » 13 . Il peut y avoir de plus un déni des soignants quant aux compétences des patientes à gérer leur contraception ; ce déni peut déterminer des pratiques – rares, mais qui portent gravement atteinte à l’intimité de ces patientes –, comme celle consistant à leur proposer prioritairement un implant contraceptif, au motif qu’elles ne vont pas réussir à prendre régulièrement la pilule. Le CGLPL a été alerté sur des pratiques de contraception imposée sans que le consentement de la patiente ne soit recherché. Au CH Albert Bousquet, « lorsque les patientes n’ont pas de moyen de contraception, elles sont incitées par le personnel soignant à en utiliser un. Plusieurs membres du personnel soignant issus de différentes équipes ont précisé qu’ils identifiaient les patientes susceptibles d’avoir des relations sexuelles, qu’ils les incitaient à accepter la pose d’un implant contraceptif et qu’en cas de refus de leur part, elles étaient tout de même conduites à la PMI [protection maternelle et infantile] accompagnées par une infirmière pour qu’un implant leur soit posé. Une infirmière a expliqué aux contrôleurs que cette procédure avait lieu au moins trois ou quatre fois par an, ajoutant que certaines patientes n’étaient pas en mesure de consentir à la pose d’un moyen de contraception lors de leur admission. L’un des médecins rencontrés a apporté un témoignage différent, indiquant que la pose de l’implant n’était jamais imposée, un tel geste médical étant du reste impossible à pratiquer si la patiente n’est pas parfaitement immobile. Si elle était avérée, cette pratique méconnaîtrait gravement le droit des patientes de consentir à l’usage d’un moyen de contraception » 14 . La question d’une réflexion institutionnelle sur l’offre de contraception aux patientes se pose, de même que celle de leur information complète et du recueil de leur consentement pour un acte touchant au plus profond de leur intimité. »

  1. CGLPL, Rapport de visite des services de psychiatrie de l’union sanitaire et sociale Aude-Pyrénées à Limoux, novembre 2020.
  2. CGLPL, Rapport de visite du pôle de psychiatrie de l’AP-HM de Marseille, janvier 2020.
  3. CGLPL, Rapport de visite de la clinique d’Orgemont à Argenteuil, juillet 2020.
  4. CGLPL, Rapport de visite de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  5. CGLPL, Rapports de la 2e visite du CHU Corentin Celton à Issy-lesMoulineaux, février 2020.
  6. CGLPL, Rapport de visite du CHS du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen, octobre 2019.
  7. CGLPL, Rapports de visite de la Fondation Bon Sauveur de la Manche à Picauville, février 2020, du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.
  8. CGLPL, Rapport de visite du CHS de Bohars, mars 2020.
  9. CGLPL, Rapports de visite du CHS George Sand à Bourges, décembre 2019 ; de l’EPSM Etienne Gourmelen à Quimper, janvier 2020.
  10. CGLPL, Rapports de visite du CHS Vauclaire à Montpon-Ménestérol, mars 2019 ; de l’établissement public de santé Alsace-Nord à Brumath, novembre 2019.
  11. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019.
  12. CGLPL, Rapport de la 4e visite du CRA de Nîmes, avril 2021.
  13. CGLPL, Rapport de visite du CHS Gérard Marchant à Toulouse, septembre 2019.
  14. CGLPL, Rapport de la 2e visite du CHS Albert Bousquet à Nouméa, octobre 2019

Valériane DUJARDIN – LASCAUX
Juriste, EPSM Lille Métropole