Maltraitance : la loi n°2015-1402 du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (06-11-2015)

Auparavant, le signalement des situations de maltraitance notamment prévu à l’article 226-14 du Code pénal visait expressément deux situations dont l’une était réservée au médecin :

 

1°) – Toute personne, la réglementation indiquant en effet « celui », peut informer les autorités judiciaires, médicales ou administratives d’actes de maltraitance physique, psychologique, médicamenteuse dont elle a eu connaissance, et qui ont été infligés à des personnes vulnérables.

 

2°) – Le médecin signale, avec l’accord de la victime, au Procureur de la république les actes constatés relevant de la maltraitance physique, psychologique, médicamenteuse. Le médecin était dispensé d’obtenir l’accord la victime si le sujet était une personne vulnérable.

 

Désormais, le champ du signalement des actes de maltraitance se voit étendu à tous les professionnels de santé, comme le précise la nouvelle rédaction de l’article 226-14 du Code pénal.

 

Par souci de complémentarité il importe de rappeler que la loi relative à la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a ajouté une troisième et dernière dérogation à cet article du code pénal, relative aux armes : Les professionnels de la santé (…) peuvent informent le Préfet (…) « du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une ».

 

L’article 226-14 modifié du Code pénal dispose (modifications en police d’écriture bleue) :

 

« L’article 226-13 ( Délit de violation du secret professionnel : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ») n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

 

En outre, il n’est pas applicable :

 

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

 

2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;

 

3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.

 

Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

 

Par ailleurs, le signalement peut, dans le cas de « sévices ou privations que «  le médecin ou le professionnel de santé » a constaté, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises » être adressé au Procureur, ou désormais à la Cellule de recueil, de traitement et d’évaluation.

 

Cette Cellule a été créée par la loi n°2007-293 du 05 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, chargeant le président du conseil général du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger.

 

Lien pour accéder au Guide pratique du Ministère (Protection de l’enfance – La Cellule de recueil, de traitement et d’évaluation) : http://www.social-sante.gouv.fr/espaces,770/famille,774/dossiers,725/protection-de-l-enfant-et-de-l,1112/guides-pratiques-5-sur-la,7913.html

 

 

Enfin, la loi précise que l’auteur du signalement est protégé, en ce qu’il ne peut faire l’objet de sanctions, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi (s’agissant par exemple d’une dénonciation calomnieuse).

 

 

Ci-dessous la loi n°2015-1402 du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé.

LOI n° 2015-1402 du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (1)

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

Article 1
L’article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :
1° La première phrase du 2° est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou à tout autre professionnel de santé » ;
b) Après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

 

Article 2
A la fin de l’article 21 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, les mots : « ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologique » sont remplacés par les mots : «, sur les mécanismes d’emprise psychologique, ainsi que sur les modalités de leurs signalements aux autorités administratives et judiciaires ».

 

Article 3
I.-L’article 1er de la présente loi est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
II.-Après l’article 713-3 du code pénal, il est inséré un article 713-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 713-3-1.-Pour l’application de l’article 226-14 :
« 1° Au 2°, les mots : “ ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, ” sont supprimés ;
« 2° Au dernier alinéa, le mot : “ civile, ” et les mots : “ ou disciplinaire ” sont supprimés. »
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 5 novembre 2015.
François Hollande

Par le Président de la République :
Le Premier ministre,

Manuel Valls
La garde des sceaux, ministre de la justice,

Christiane Taubira
La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes,

Marisol Touraine
La ministre des outre-mer,

George Pau-Langevin

Sénat : Proposition de loi n° 531 (2013-2014) ; Rapport de M. François Pillet, au nom de la commission des lois, n° 313 (2014-2015) ; Texte de la commission n° 314 (2014-2015) ; Discussion et adoption le 10 mars 2015 (TA n° 73, 2014-2015). Assemblée nationale : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 2623 rectifiée ; Rapport de M. Olivier Marleix, au nom de la commission des lois, n° 2835 ; Discussion et adoption le 11 juin 2015 (TA n° 530). Sénat : Proposition de loi n° 517 (2014-2015) ; Rapport de M. François Pillet, au nom de la commission des lois, n° 76 (2015-2016) ; Texte de la commission n° 77 (2015-2016) ; Discussion et adoption le 22 octobre 2015 (TA n° 19, 2015-2016).

 

Valériane DUJARDIN – LASCAUX

Juriste, EPSM Lille Métropole