Diffusion publique du rapport thématique « L’arrivée dans les lieux de privation de liberté »

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie un nouveau rapport thématique L’arrivée dans les lieux de privation de liberté”.

L’arrivée dans les lieux de privation de liberté constitue une rupture brutale pour les personnes enfermées, porteuse de risques et créant des situations de vulnérabilité. Le « choc de l’enfermement » concerne l’ensemble des lieux soumis au regard du CGLPL : prisons, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administrative, centres éducatifs fermés mais aussi lieux de séjours de courte durée – locaux de garde à vue ou de rétention, geôles et dépôts des tribunaux, urgences psychiatriques – qui constituent, souvent, le point de passage préalable de « l’arrivant ».

Perte d’autonomie et d’intimité, réduction de l’espace, séjour dans des locaux possiblement vétustes ou délabrés, dépossession des effets personnels, rupture des liens avec les proches, incertitudes sur la durée et l’issue de l’enfermement, suroccupation, manque d’informations, etc., sont autant de facteurs du « choc de l’enfermement », générant de la peur, du stress, de l’agressivité et parfois des violences.

Le CGLPL a documenté ce moment charnière et formule des recommandations afin de garantir un accueil, une prise en charge et une orientation respectant les droits fondamentaux des personnes concernées, et permettre de limiter les dangers dont est porteur le passage de la liberté à l’enfermement.

Ce rapport, publié le 8 décembre 2021 aux éditions Dalloz, est également disponible en librairie.

Parmi les 56 recommandations déclinées sur 141 pages, 18 concernent les établissements de santé mentale se présentant comme suit :

Recommandation 1

Le personnel en charge de l’accueil des personnes privées de liberté doit bénéficier d’une formation spécifique, en particulier quant à la manière de gérer les situations humaines difficiles auxquelles il est confronté. Il doit disposer de conditions et rythmes de travail, déterminés en fonction du nombre réel d’arrivées, lui permettant de remplir pleinement cette mission.

Recommandation 14

Les mesures restreignant la liberté des patients lors de leur admission en établissement de santé mentale doivent être individualisées et non systématiques, de jour comme de nuit.

Recommandation 15

Les décisions d’admission en soins sans consentement doivent être signées dès le début de l’hospitalisation, y compris durant les week-ends et jours fériés. La date de leur signature doit correspondre à la réalité.

Recommandation 16 

Les délégations de signature pour les décisions d’admission en soins sans consentement prises au nom du directeur de l’hôpital doivent être réservées aux personnes en mesure d’exercer un contrôle effectif des propositions faites par les médecins.

Recommandation 19 

Dès le début de la mesure, les personnes privées de liberté doivent disposer d’une information complète, actualisée et compréhensible sur leur statut, leurs droits et les règles de fonctionnement ou de vie des lieux dans lesquels elles sont enfermées.

Recommandation 20 

La décision d’admission dans un lieu de privation de liberté et les droits qui s’attachent à la mesure doivent être notifiés à la personne concernée dès que son état le permet, y compris la nuit. (En particulier, les droits de la personne placée en garde à vue interpellée en ivresse publique et manifeste doivent lui être notifiés dès qu’elle est apte à les comprendre, et non en fonction de la disponibilité des officiers de police judiciaire de nuit).

Recommandation 22 

Les patients faisant l’objet d’une décision de soins sans consentement doivent être informés de cette décision, qui doit leur être formellement notifiée, une copie leur étant laissée. Doivent de même leur être communiqués les certificats fondant la décision lorsque leur texte n’est pas repris dans le corps de celle-ci ainsi que, le cas échéant, le nom du tiers ayant demandé l’admission. Les droits afférents à leur mode d’admission doivent leur être notifiés et explicités, selon un document-type établi par le ministère de la santé remis aux patients et expliquant, en termes simples, les différents types d’hospitalisations sous contrainte et les voies de recours offertes, à charge pour chaque établissement de le compléter pour l’adapter aux spécificités locales.

Recommandation 24 

Tout lieu de privation de liberté doit disposer d’un règlement intérieur et d’un livret d’accueil tenus à jour, remis aux arrivants sur un support qu’ils peuvent conserver et expliqués dans une langue et des termes qu’ils comprennent, incluant des informations relatives au fonctionnement du lieu et aux règles de vie. Ces informations générales doivent faire l’objet d’une large diffusion sur plusieurs types de supports : affichage dans les lieux de passage, présentation par le biais de vidéos ou sur un site internet, etc.

Recommandation 28 

Tout professionnel, y compris de santé, amené à participer à l’accueil et à la prise en charge de personnes privées de liberté doit recevoir une formation sur le statut et les droits de ces personnes.

Recommandation 32 

La personne privée de liberté doit pouvoir désigner, dès le début de la mesure, une personne à prévenir en cas d’urgence, ainsi qu’une personne de confiance susceptible de l’assister et la conseiller dans ses démarches et sa prise en charge. La personne de confiance doit être consultée par l’administration dès lors que la personne privée de liberté est dans l’impossibilité de faire valoir son avis. Cette personne doit être informée de sa désignation et l’accepter.

Recommandation 35 

Aucune fouille à nu ne peut être réalisée sans un fondement légal explicite – qui doit être interprété de manière restrictive. Les fouilles intégrales de sécurité à l’arrivée sont interdites dans l’ensemble des lieux de privation de liberté, à l’exception des établissements pénitentiaires. Cette interdiction ne concerne pas les fouilles réalisées, en garde à vue, pour les seules nécessités de l’enquête.

Recommandation 38 

Le retrait de biens personnels des patients admis en soins sans consentement ne doit pas procéder de règles systématiques mais répondre à des motivations cliniques décidées individuellement, avec une réévaluation régulière. L’imposition systématique du port du pyjama doit être prohibée. 

Recommandation 39 

Les personnes privées de liberté doivent pouvoir disposer de placards ou casiers fermant à clé, leur permettant d’y conserver leurs biens dans des conditions garantissant leur protection et, par suite, de diminuer le nombre d’effets personnels dont ils doivent se défaire lors de l’arrivée.

Recommandation 40 

Tout lieu de privation de liberté doit établir et publier la liste des objets dont la détention est interdite.

Recommandation 41 

Un inventaire précis et contradictoire des effets de la personne enfermée doit être systématiquement réalisé dès son arrivée et en sa présence. Cet inventaire, signé, doit être conservé de préférence sur un support informatique, afin d’éviter les risques de perte, et un exemplaire doit être remis à la personne concernée.

Recommandation 45 

Toute personne doit se voir proposer, dans les premiers moments de son arrivée dans un lieu de privation de liberté, une visite des locaux de la structure.

Recommandation 55 

Aucun patient en soins libre ne doit être enfermé. Le statut d’admission d’un patient en soins sans consentement n’implique pas qu’il soit nécessairement placé en unité fermée. Le séjour d’un patient en soins sans consentement ne peut se faire que dans une chambre hôtelière, y compris s’il est amené à séjourner le temps nécessaire à la résolution de la crise dans un espace dédié, comme une chambre d’isolement ; le patient doit être en mesure à tout moment de réintégrer sa propre chambre d’hospitalisation.

Recommandation 56 

Les patients détenus admis en soins sans consentement ne doivent pas être placés en chambre d’isolement de façon systématique et non justifiée autrement que par leur état clinique.

Valériane DUJARDIN – LASCAUX

Juriste, EPSM Lille Métropole